Jésus est une femme
Je m’appelle Jésus et je suis une femme. J’ai dû me travestir pour prendre l’apparence d’un homme et plaire à la prophétie. Je voudrais tellement être entendue, ce serait une libération, la seule offerte. Je voudrais être entendue, être aimée à ma juste valeur. Vivre cachée a été mon vrai calvaire et vivre en pleine lumière dans les églises sur une croix mensongère, c’est atroce. Je le sais bien, tu ne sais pas exister sans croyance. Et je n’ai plus envie de te plaindre, toi humain prétentieux. Tu n’as pas encore compris ? Tu es de la même espèce que les plantes ou les animaux, ni plus ni moins. Alors il est temps pour toi de connaître les faits, rien que les faits, avant de laisser ton imagination retourner à sa liberté, dans une autre direction.
Une première chose. Judas était mon amant, j’ai choisi de mourir à sa place. Non pas pour te sauver, toi humain, comme tu le penses. Ne te sens pas obliger de prier ou de monter dans les hauteurs spirituelles. Tu es déjà un ciel.
Les autres raisons qui m’ont poussée au pied de la potence ? Je ne sais pas les expliquer. En somme, j’ai crevé de travers… Je me souviens de la dernière parole de mon bourreau, quand il m’a attaché les pieds et les mains aux branches de l’arbre où j’ai péri par étouffement une semaine plus tard. Il a dit, pour moi, tu n’es rien d’autre qu’une vulgaire pièce de viande.
Des prophètes à cette époque, il y en a eu beaucoup. Ce qu’on appelle la Providence m’a choisie dans le rôle du magicien tragique voué à une mort précoce et calamiteuse. Trois siècles après ma disparition épineuse, d’autres magiciens ont représenté mon agonie sur une croix, simulacre honteux. Toi, qui penses me connaître, je te demande pardon, je ne voulais pas finir dans les livres et les illustrations de cette façon si grossière, mes plaies exposées à la face du monde, au croisement de deux pièces de bois. Depuis ce jour funeste, je me rends bien compte que tu barbotes dans le pus de mes ignobles stigmates. C’est une noyade, lente