Clang clang ploc ploc
Un frottement nerveux. De l’acier cabossé, trous, rouille, des murs de tôle sombre, un univers de courbes, d’enflures métalliques. Une lumière vaguement rougeâtre dessine les contours d’une petite cuisine sale, espace saturé qu’une végétation malade colonise doucement. Les tables, les plans de travail sont couverts d’ustensiles de cuisine, d’épluchures qui moisissent, d’asticots qui pullulent sur de la chair verte. Un frottement nerveux et le bourdonnement des mouches. Les éviers débordent d’une eau brune et moussue, des gouttes chutent en rythme sur un sol crasseux. Ploc, ploc, ploc, un frottement nerveux, les mouches. Un type à genoux, une improbable brosse rafistolée en main, c’est Jacques et son vieux seau en fer blanc, son uniforme usé de militaire oublié, passé sur un long corps grêle. Ploc, ploc, ploc, un frottement nerveux, les mouches. Son visage tiré et buriné arbore sous un casque trop grand des cheveux et une barbe filasses, sales, grisonnants. Ses yeux sont exagérément ouverts, ses paupières semblent avoir disparu au fond de ses orbites et ses cils ont l’air de sortir directement de derrière ses yeux. Il fixe les vingt centimètres carrés qu’il astique comme s’ils contenaient le monde entier et qu’il en avait la charge. Ploc, ploc, ploc, un frottement nerveux, les mouches. L’humidité tropicale se mêle à sa transpiration abondante, son odeur d’être en mauvaise santé se confond avec celles de dizaines de matières, organiques ou non, qui pourrissent là depuis… depuis qu’elles ont commencé à pourrir, depuis que l’action de l’eau et des plantes a dépassé les capacités de ménagère d’une paire de bidasses à l’abandon. Ploc, ploc, ploc, un frottement nerveux, les mouches. Un craquement, un grincement, un claquement métallique, un rayon franc de lumière blanche éclaire une partie de la pièce. Une écoutille vient d’être ouverte, une ombre glisse dans le trait solaire. Un gars bronzé, très brun, plus court et épais que Jacques, jette sur une table encombrée un ron