Bob l’Étrangleur
Tu sautes dans une voiture, tu fonces sans savoir où et bam, tu percutes un poteau électrique. Ensuite tu files en prison. Je me rappelle un monstrueux méli-mélo de bras, de jambes et de poings, moi tout au fond arrachant des yeux et faisant de mon mieux pour déchiqueter des gorges, mais je suis arrivé au poste sans une égratignure ni le moindre bobo. Sans doute que j’ai été facile à maîtriser. Le lundi suivant j’ai plaidé coupable quand on m’a accusé de trouble à l’ordre public et d’actes malveillants, chefs d’accusation réduits à vol de véhicule et refus d’obtempérer lors de mon arrestation parce que – eh bien, simplement parce que tout ça se passe sur une autre planète, la planète de Thanksgiving 1967. J’avais dix-huit ans, mon casier était vierge. J’ai écopé de quarante et un jours derrière les barreaux.
C’était une taule de comté, le rez-de-chaussée dédié à l’accueil et aux bureaux, et au-dessus deux étages de cellules. Ils m’ont mis au premier avec les durs à cuire et les voyous. « Ici, m’a promis l’adjoint, faut te réveiller tôt si tu veux pas te faire piquer ton petit-déjeuner. » Ça sentait le désinfectant et puis autre chose que le désinfectant devait supprimer.
Les cellules restaient ouvertes, on était libres d’aller et venir à notre guise, de nous rassembler dans la zone centrale ou de nous balader sur la passerelle qui entourait tout l’étage. Moyennant quoi on déambulait beaucoup, jusqu’à une vingtaine de types en jean, chemise de travail bleue, mocassins en toile à semelle crêpe, qui marchaient et s’arrêtaient, se penchaient et s’asseyaient, se relevaient et reprenaient leur promenade. La plupart d’entre nous auraient été parfaitement à leur place dans un hôpital psychiatrique. Bon nombre y avaient déjà été. Moi compris.
Mon compagnon de cellule était un type plus âgé, frisant la cinquantaine, chauve et doté d’un bide aussi gros qu’une boule de bowling, qui attendait son jugement. Quand je lui ai demandé ce qu’il avait fait, il m’a répondu, « Un truc jut