Nouvelle

Grande tiqueté

Ecrivain

C’est l’histoire des trois compères « Tom, Elem et moi » et de leur vagabondage. Certes, le topos du conte, du fabliau, ou bien celui du roman d’apprentissage, a son importance ici. Mais le texte qu’Anne Serre a confié à AOC est surtout l’occasion d’une expérience de lecture très particulière, le français dans lequel il est écrit n’étant pas français. La non-compréhension est ici une expérience artistique qui rend la langue sensible. La profusion, la malice, la liberté des inventions linguistiques y concourt. (Une clé est donnée, en postface.)

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La brande de nos pères avait remisé là un sujet granduesque. Nous n’y étions pas amicés Tom et moi. Il y avait même entre nous certain chemin fleuri hi hi les branches neigeuses comme des tombes et Dulci là-dedans renversée cavalcadée. Excellent souvenir.

Nous sortions d’un roman anglais quand le sore nous tomba dessus parce qu’Elem avait surgi vociférant qu’il n’en pouvait mais, et nous les zinzaleurs nous voulions bien l’aider parce que nous en avions vécu des choses avec Elem, et qu’avec le souvenir c’est le plus sûr merçant d’en fabriquer d’autres.

Elem nous disait : « Granscié, je ne jouerai plus à ce tape-dessus avec ces alteroches, je vous en fiche mon billet ! » (il parlait comme cela Elem, « je vous en fiche mon billet »). Nous on ne brillait pas de mille phalanges loin de là. Nous avions même par-dessus nos têtes un ciel considérable, noir pas comme un couvercle mais plutôt comme le fond d’une citerne et là-dessous je vous garantis qu’on dansait la gigue, noirs et roches comme des Ouzbecks. Il n’y a rien à faire dans ce monde stipendié qu’à se croiser les doigts en priant très fort pour que les petites filles mortes et les petites fleurs mortes, allez, un sac, renaissent mais c’est impossible. Voilà ce qui m’était arrivé à moi, une petite sœur morte et il avait fallu cavalcader avec ça, le bleu des pervenches, l’herbe verte et les grottes au fond desquelles on montre des choses bizarres par les trous les interstices : guridan disait Tom.

Guridan oui, évidemment, mais paranque, dulce, avinateurs et solieroses aussi, si on y va par là. C’était dans un chemin fleuri, celui d’un roman anglais je l’ai déjà montré et démontré cent fois, le genre de chemin creux, quand tu ou vous mademoiselle la sergette vous y promenez, la tête avance à ras du sol et cela fait rire si on est dans le pré. Et puis il y a aussi du roust là-dedans parce que les branches sont fleuries et quand les branches sont fleuries c’est roust. On passe donc dans le chemin creux qui est à la f


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