Je crois que tu me plais
Objet: cher monsieur petit nichon
De: lafarce@hotmail.com
Envoyé: 29.11.2014
À: moineau@gmail.com
Tes photos me vont bien. Tu as su saisir l’univers d’Eva. Un univers solitaire, mais pas isolé ou pitoyable pour autant. Mon seul souci est lié au travail d’impression. Quand on convertit des clichés couleurs en photos noir et blanc, l’image perd un peu en qualité parfois, tu sais ?
J’ai un rendez-vous téléphonique avec le graphiste, je le questionnerai à ce propos.
Je me suis remise à écrire ce matin dès 5 h. Je continue à l’aimer, ce texte. Peut-être même à l’aimer beaucoup.
D’habitude les beaucoup m’inquiètent, mais cette fois non. Il se dégage de ce bouquin une liberté, comme s’il avait su s’affranchir de moi – je ne suis pas sûre d’employer les mots justes.
Ce qui est certain, c’est que tu l’as nourri jusque dans ses détails. Paradoxalement, le profond (là non plus, je ne suis pas sûre d’employer les mots justes) sentiment que j’éprouve pour toi – qui n’est pas un seul, mais plusieurs à la fois, et souvent contradictoires – ces sentiments qui me semblent parfois pesants et contraignants vis-à-vis de l’Ersi telle que je la connais et telle que je la veux, au point qu’il y a des moments où je souhaite comme par miracle me réveiller, ne plus rien ressentir et repartir à nouveau libre sur les routes du monde : voilà précisément ce qui donne au bouquin sa liberté.
Il se passe la chose suivante. Lorsque je ne te vois pas et qu’ensuite nous nous retrouvons, il y a toujours comme une distance, je ne sais pas si tu es le petit nichon que j’aime. Il faut que je te touche, te hume, qu’on s’embrasse. Et c’est ce contact-là, qui n’est pas que physique tout en étant physique (et que dans Eva je nomme « lucidité du corps »), qui rétablit l’équilibre. Tu perds alors ton statut d’oursin et de M. Poussièropoulos.
Demain je me rends à Patras pour la cérémonie d’hommage et rentrerai lundi soir.
Quand peux-tu passer une nuit avec moi ?
Objet: nuit
De: moineau@gmail.com
Envoyé: 03