Noëlle
Noëlle est une des premières personnes que je rencontre sur la zup. Elle est venue ce matin-là faire le ménage chez Ginette, qui m’héberge chez elle, au Piochet, un quartier de maisons ouvrières des années 50 à l’entrée de la Cité, bordant les barres HLM. Et je me souviens qu’elle m’a bouleversé.
Or bizarrement, au sein du documentaire graphique, portrait des habitants d’une zup de sa création à nos jours, qu’on a imaginé avec le dessinateur Fabrice Turrier, à paraître au Nouvel Attila et intitulé Dans ma zup, Noëlle n’est pas présente, alors que Ginette, et Marie-Pierre, sa fille, le sont. Ce que je m’explique encore mal.
Tout au long de l’écriture particulièrement complexe du livre, qui mêle des dizaines de voix et cherche à raconter la vie des gens à la fois chronologiquement et par thèmes abordés, j’ai tenté d’insérer son histoire, ou un morceau de son histoire. Je l’ai coupée, recoupée, réécrite, intercalée entre différentes voix du livre, mais l’histoire de Noëlle résistait, peut-être trop forte dans son ensemble je me suis dit, trop intéressante dans son intégralité pour être morcelée, ou parfois aussi redondante avec d’autres histoires, ou encore nous amenant trop ailleurs dans son action, nous éloignant de la zup qui devait, il nous semblait avec Fabrice, rester la toile de fond narrative de ce documentaire choral.
Il a donc fallu, avec peine, que j’accepte qu’elle n’y soit pas, qu’elle ne trouve pas sa place dans le montage final. Que les mots de Noëlle trouvent maintenant leur place ici, dans les pages numériques d’AOC, me fait d’autant plus plaisir.
Dès les premières minutes d’entretien avec Noëlle, j’ai aimé son timbre un peu cassé, décidé-fragile, le choix bien conscient de ses mots, la liberté de parole de celle qui est aujourd’hui à sa place, et qui le sait car elle y a bien réfléchi, longtemps, et pas par choix, par nécessité, pour survivre.
On s’était installé deux chaises, dans le petit jardin de Ginette, près d’un rosier. Elle avait ses gants