Fou comme un lapin
On longe un imposant mur d’enceinte, une barrière se lève, on passe une grille, puis c’est un sas vitré, on est maintenant dans un parc que délimitent des rangées de platanes, des allées bitumées, on marche encore, des silhouettes fument sur un banc, un lointain crachin sonore s’échappe d’un portable, on laisse derrière soi le salon de coiffure, la blanchisserie, la cafétéria, l’aumônerie, la salle de sport, le local syndical, l’atelier d’ergothérapie, et tout au bout se dresse le pavillon 4B, son jardinet, sa clôture, ses doubles fenêtres occultées et sa lourde porte métallique qui ouvre sur un couloir d’hôpital.
Une porte et un couloir, ces deux éléments signalent immédiatement l’institution. Je comprendrai plus tard leur importance : dans le couloir, d’abord, on fait les cent pas, on racle le sol, des allers-retours pour desserrer l’étau de la maladie, on s’immobilise aussi, on stagne, on squatte. Pendant que d’autres, dans ce même couloir, surveillent, font des rondes.
Puis la porte, qu’on ferme à clé, qu’on claque, devant laquelle on patiente, contre laquelle on s’acharne, on tambourine, on cogne, avec son poing ou sa tête, qu’on veut à tout prix ouvrir, à tout prix fermer. Qui à la fois protège et enferme – certains étouffent de la voir close, d’autres paniquent de la voir ouverte, sur l’hostilité du monde extérieur.
Ici, ce qui frappe d’emblée quand on y entre pour la première fois c’est l’odeur, elle flotte en nappes épaisses, une odeur de collectivité et de macération, de chou bouilli et de détergent, de sauce refroidie et d’inquiétude, âcre, insistante – une odeur d’enfermement. La chaleur aussi, étouffante, peut-être parce que ceux qui vivent là se tiennent quasi immobiles, alors on pousse les radiateurs à fond, on tâche de maintenir la température des corps ankylosés à 37 degrés.
Maintenant le regard panote et s’arrête sur une enfilade de portes aux lucarnes opaques, un faux plafond résistant à l’incendie, des spots encastrés, une lumière sans contrast