Nouvelle

Quelque part, loin de la beauté

Écrivain

Le festival littéraire en Seine-Saint-Denis « Hors Limites » aurait dû se tenir en ce moment et jusqu’au 4 avril. Il a en quelque sorte lieu aujourd’hui, avec la nouvelle inédite que Néhémy Pierre-Dahomey nous confie, en partenariat avec le festival. Ce jeune écrivain et philosophe, alors en résidence d’écriture dans le département, faisait en effet partie des écrivains invités. Foin de confinement, le temps d’un trajet de bus laissons cheminer la pensée autour d’une question qui ne quittera sans doute pas de sitôt notre présent : l’appropriation culturelle.

Comme j’avais un tambour de quinze kilos sur le dos, je me suis arrêté à la station de bus. Elle affichait douze minutes d’attente, j’en aurais eu pour sept minutes à pied. Le froid était méchant, mouillé et rancunier, et le vent ne se privait pas d’orienter la pluie vers ma pauvre personne – sans écharpe ni bonnet. C’était un moment bien choisi pour la question existentielle qui, d’après tous les sondages d’opinion, reste la question la plus posée dans les fors intérieurs, cadre professionnel ou familial : qu’est-ce que je fous là ? Évidemment, je n’y ai pas échappé. Moi, étudiant en master 2 de philosophie, laissant Port-au-Prince pour Paris avec la ferme intention de re-fonder la pensée universelle pour les siècles à venir. Mais qu’est-ce que je foutais là avec un sac à djembé mouillé posé à côté de moi, sous un abribus que le Tout-Puissant a cru bon de placer à la sortie d’un turbulent courant d’air. J’ai traîné cette impérieuse question pendant douze minutes d’horloge dans les conditions susmentionnées, z’yeutant mon téléphone plutôt que l’affichage de l’abribus, technique bien connue pour accélérer le temps et qui d’habitude produit son petit effet. Après ce calvaire, simple et efficace, j’ai regardé vers Godot, pas de bus en vue, je me suis levé les yeux, et là, panique à bord, deux seules minutes venaient de s’écouler d’après la régie du transport des passagers, puisqu’à présent le temps d’attente était estimé à dix minutes.

Par parenthèse, je tiens à dire que dix minutes ne sont pas bien longues, et que j’en suis conscient. C’est le temps qu’il faut à un réveil pour sonner à nouveau, au petit matin. C’est la durée moyenne d’un accouplement humain, tendresse de fin incluse ; le temps d’un hamburger bien savouré, s’il y a frites et soda ; la durée d’une micro-sieste ou le temps d’échauffement avant un remplacement au foot. Ce n’est pas bien long. Mais ces dix minutes-là, en colère contre la régie des transports et dans l’incertitude complète de l’arrivée réel


[1] J’appelle contre-intégration, l’intégration (désirée) dans une communauté minorisée (dite minoritaire) par rapport à la sienne propre (et supposée).

[2] Dés-intégration, avec tiret, devient pour moi le fait de se désolidariser volontairement de sa « communauté » ou de sa « culture » censée originelle, pour en rejoindre une autre, minorisée.

[3] J’ai oublié de dire qu’une « culture minorisée » est, pour moi, ce qu’on appelle généralement une culture minoritaire. Minorisée parce qu’elle n’est pas minoritaire en nombre partout dans le monde, mais seulement suivant les situations où elle se trouve, et dans les perceptions sociales.

[4] Car les dreadlocks sont ce qui arrive quand une personne à cheveux crépus ne se peigne plus.

[5] Sans parler de celles et ceux qui se dépigmentent la peau à forte dose de produits pharmaceutiques dangereux : phénomène à la tonalité encore plus aiguë.

[6] Le lecteur n’aura qu’à se renseigner par ailleurs.

[7] Je n’ai pas beaucoup lu Senghor, mais cette phrase serait de lui : « La raison est hellène, l’émotion est nègre. »

[8] On me dit à l’oreillette que la marque Topshop avait commercialisé un combishort au motif du keffieh. Je précise que le détournement de résistance peut être le fait d’une personnalité physique, ou morale.

[9] Images sacrés dans l’iconographie vodou, représentant chacun une déesse ou un dieu.

[10] Vanity Fair, 25 septembre 2019 : « Chez Dior, un défilé en forme de manifeste écologique ».

[11] New York, parce que Greta Thunberg y était pendant le défilé.

[12] J’ai retrouvé l’article en question (note 10). L’intégralité est tout aussi éclairante que les extraits choisis.

[13] Là encore, les lecteurs n’auront qu’à chercher.

Néhémy Pierre-Dahomey

Écrivain, Poète et philosophe

Rayonnages

FictionsNouvelle

Notes

[1] J’appelle contre-intégration, l’intégration (désirée) dans une communauté minorisée (dite minoritaire) par rapport à la sienne propre (et supposée).

[2] Dés-intégration, avec tiret, devient pour moi le fait de se désolidariser volontairement de sa « communauté » ou de sa « culture » censée originelle, pour en rejoindre une autre, minorisée.

[3] J’ai oublié de dire qu’une « culture minorisée » est, pour moi, ce qu’on appelle généralement une culture minoritaire. Minorisée parce qu’elle n’est pas minoritaire en nombre partout dans le monde, mais seulement suivant les situations où elle se trouve, et dans les perceptions sociales.

[4] Car les dreadlocks sont ce qui arrive quand une personne à cheveux crépus ne se peigne plus.

[5] Sans parler de celles et ceux qui se dépigmentent la peau à forte dose de produits pharmaceutiques dangereux : phénomène à la tonalité encore plus aiguë.

[6] Le lecteur n’aura qu’à se renseigner par ailleurs.

[7] Je n’ai pas beaucoup lu Senghor, mais cette phrase serait de lui : « La raison est hellène, l’émotion est nègre. »

[8] On me dit à l’oreillette que la marque Topshop avait commercialisé un combishort au motif du keffieh. Je précise que le détournement de résistance peut être le fait d’une personnalité physique, ou morale.

[9] Images sacrés dans l’iconographie vodou, représentant chacun une déesse ou un dieu.

[10] Vanity Fair, 25 septembre 2019 : « Chez Dior, un défilé en forme de manifeste écologique ».

[11] New York, parce que Greta Thunberg y était pendant le défilé.

[12] J’ai retrouvé l’article en question (note 10). L’intégralité est tout aussi éclairante que les extraits choisis.

[13] Là encore, les lecteurs n’auront qu’à chercher.