Les derniers jours d’une mulâtresse
C’est regret, mais je vous annonce la mort de Man Kalinsia, née Octavius Citronnelle, fille de d’Artagnan et fille d’Elmire. Elle mourut un jour de cendres et de pluie. Avec la pluie, sa vie courut au long des toits, bouillonna aux gouttières, s’exalta claire et froide depuis les caniveaux jusqu’aux vagues de La Galère où les requins apaisent leurs faims avec le sang de l’abattoir. Quant à la cendre, elle nous fatigua durant quelques semaines. Surgie d’un ciel ensoleillé en une sorte d’huile fine que rien ne pouvait sécher, elle s’accumula en franges verdâtres aux jointures des cloisons, assombrit la peinture des façades d’une tristesse retransmise au regard des enfants. Des crabes rouges avaient fui les canaux de la grand-rue du Mouillage, et on les vit envahir le jardin botanique, rassemblés à l’abord du jet d’eau, ou raser les murs de la Chambre de commerce comme fascinés du décompte cliquetant de la hautaine horloge. Quelques rats signalaient une angoisse en agitant les gouttières d’escalades éperdues. On se sentait cendré jusqu’au mitan du ventre, avec presque une menace de braise dans les battements du cœur. C’est sans exagérer, mais il suintait du tout-partout une telle mélancolie, que nous finîmes au quarantième jour par nous penser échoués au marais d’un sanglot. Si bien que nous avions parfois, dessous cette cendre obstinée, cette averse soufrée, cette brume muée brutale en une fin fine d’eau froide, des immobilités de crapaud dont la nécessité tout de même nous demeurait confuse. C’est au quarante et unième jour après sa mort et le début de la cendre, que l’on découvrit Man Kalinsia, non pas en cadavre, mais en vieille femme immémorialement immobile, ainsi que la mer en l’absence d’alizés, étale, moirée, grave de patience. Nous la vîmes, pour la première fois, sans le mouchoir de madras qui lui coiffait la tête, allongée sur son lit parmi les draps bleus, ses oreillers brodés d’une espèce d’initiales, sèche dans sa gaule chiffonnée par les rêves. Au-dessu