Vie et mort et vie d’Antipolis
Il n’y avait rien, il y aurait tout ; telle était leur histoire.
Il n’y avait rien : un arrière-pays sauvage et vide d’humains, une nature livrée à elle-même, animée seulement par la naissance et la mort des plantes, le vol des oiseaux, le chant des cigales, le passage des saisons.
Il n’y avait rien que la forêt,
que les ruisseaux se jetant les uns dans les autres, roulant les pierres de leur lit pendant l’hiver, s’asséchant à l’été,
que les chênes courant dans les vallées, les pins grimpant sur les versants, les sommets de pierre blanche et d’odeurs âcres d’où l’on voyait la mer, comme lame contre de l’horizon.
Il n’y avait rien, jusqu’à ce qu’un homme,
déposant sur ces terres un baiser d’aménageur,
les livre au temps humain,
le temps des débuts qui conduisent à des fins, le temps qui vaut de l’argent, celui des fondations, des objectifs, des impatiences, des inquiétudes, le temps trop court, qui manque, n’attend pas et devient ennemi mais qu’on guette, tous regards aux aiguilles et aux calendriers, le temps des promesses,
il n’y avait rien, jusqu’à ce qu’un homme décide :
il y aurait une ville et cette ville
inventerait le futur — serait, elle-même, le futur. On y trouverait des entreprises, des laboratoires, des centres de recherche, des grandes écoles, des universités. Les bâtiments seraient modernes, leurs géométries laisseraient entrevoir des mondes pas tout à fait advenus. Les portes en verre s’ouvriraient dans un glissement, les tiroirs dans un soupir, les surfaces seraient modulables, les fauteuils ergonomiques. Des routes, courbes, lisses, sans obstacles, plongeraient dans la forêt et relieraient ces bâtiments comme s’ils étaient des îles.
Ceux qui arriveraient dans cette ville inédite, viendraient des huit coins du monde pour travailler et inventer ensemble, ils parleraient des langues lointaines mais le langage de la ville les réunirait et ils propageraient avec fierté, avec émotion, la nouvelle de sa réussite,
ils diraient,
Il n’y avait rien et il y a