Poésie

Peau humaine se décolle et devient le film de l’univers

Écrivaine

Dans La Semaine perpétuelle, son remarquable roman paru cet automne, Laura Vazquez déplie la réalité phrase après phrase, comme déclinant la langue elle-même et ce qu’elle recèle d’évidences. Dans le poème inédit d’aujourd’hui, la langue est comme la peau du titre, élastique, tronquée, reprise, tissée, « à l’intérieur d’une blessure prestigieuse nommée la vie ». De la merveille à la cruauté du monde, de la liberté à la nécessité de se justifier qui nous incombe, du sérieux à la malice, l’imaginaire s’élargit. « Veuillez passer votre temps / Lentement près de moi. »

Tu as une bouche trop libre
Eschyle, Prométhée enchaîné
Rogojine, quant à lui, pour une raison obscure, avait choisi le prince comme interlocuteur même si, on pouvait le croire, son besoin d’interlocuteur était plus mécanique que moral ; comme plus par distraction que par élan ; par inquiétude, par agitation, juste pour regarder quelqu’un, avoir juste de quoi faire tourner sa langue.
Dostoïevski, L’Idiot

 

J’imaginais les gens faisant bouillir des têtes car j’étais ci et ça dans mon esprit

J’imaginais des gens faisant bouillir ma propre tête

Et ma tête parla

J’ignore ce qu’elle put dire

Car j’ai de la fatigue

 

 

Comment gardez-vous votre raison

S’il y avait quelque chose de sale dans le passé comment le saurions-nous

 

 

Tout fut calme chez moi chez mes amis chez ma maison chez ma vie

 

 

Longtemps je participais à la méchanceté humaine

Longtemps je participais à la méchanceté

Parfois je rivalisais de vitesse

Avec la méchanceté avec le diable

Parfois je rivalisais avec l’idée que j’avais de moi

Ou des autres en ce bas

 

 

Longtemps je m’endormais sans un mot pour l’esprit

Parfois je m’endormais dans moi-même en ce bas

J’avais l’œil mais je l’avais blanc

J’avais l’œil noir car je l’avais

J’avais l’intérieur de l’œil blanc puis l’intérieur de l’œil noir

 

 

Longtemps je nourrissais les poulains dans les prés

Longtemps je nourrissais les poulains pour calmer mon corps

 

 

J’ai longtemps nourri les poulains car ils me semblaient beaux

 

 

Longtemps m’a semblé bonne l’odeur des prés

Je trouvais du calme dans mes bras dans mon buste

 

 

Un verre qui laisse passer la lumière et la transforme

La lumière transformée par son passage dans un verre

Une bonté tombait sur les choses

 

 

Veuillez croire que la vitesse est un sentiment

 

 

J’avais l’intérieur de la vitesse noire

J’avais l’intérieur blanc

J’avais l’effacement croyez-le je vous prie

Les grosses pierres ont une apparence à la fois aimable et monstrueuse

Les grosses pierres ont une apparence à la f


Laura Vazquez

Écrivaine, Poète

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