Lettre

Jean-Marc Jean-Marc

écrivaine et journaliste

L’écrivain et éditeur Jean-Marc Roberts est mort en mars 2013. Il avait 58 ans. Colombe Schneck, dont il avait édité les premiers livres, venait juste, après une histoire d’amour et un assez long silence, d’ajouter le dernier mot à une lettre qu’il n’aura pas eu le temps de lire. Presque dix ans plus tard, elle a décidé de la publier.

J’ai commencé cette lettre le vendredi 22 mars 2013 vers 17 heures. Je venais d’apprendre que Jean-Marc était en soins palliatifs. J’espérais qu’il m’entende. J’ai terminé ce texte le lundi 25 mars en fin de matinée. Deux heures après, Solveig m’appelait pour me prévenir, Jean-Marc est mort.

Depuis sa mort, il y a bientôt 10 ans, je relis une fois par an cette lettre supprimant des mots inutiles. Jean-Marc aimait la concision. C’est un document sans statut, son unique destinataire est mort. Je ne souhaitais pas qu’elle soit publiée. Aujourd’hui je suis prête à ce qu’elle soit lue par d’autres parce qu’elle raconte un parcours qui commence il y a quinze ans. Un début et un apprentissage littéraire qui m’a conduite depuis à être l’autrice de quatorze livres. Ce à quoi je ne m’attendais pas.

 

25 mars 2013

Vendredi dernier, devant la caisse du Franprix de la rue Delambre, j’ai appris par un de tes auteurs que tu es en soins palliatifs.

C’est le genre de télescopage que tu aimes bien, Franprix et ta mort, le poulet frites et tout quitter, la cafetière Bodum et l’amour.

Je suis rentrée chez moi, j’ai rangé mes courses soigneusement comme tu le faisais toi-même tous les samedis matins. Tu me racontais en détail les livraisons du Lafayette Gourmet, me précisant la marque des paquets de petits gâteaux, de la confiture (de la Bonne Maman à la fraise), j’ai pensé à toi mes Granola dans le placard au-dessus de l’évier et j’ai commencé cette lettre.

Tu es vivant.

Cela fait un an que nous ne nous sommes ni parlé ni croisés. Cela fait trois ans, depuis notre séparation que tu ne réponds ni à mes lettres ni à mes textos, ce n’est pas grave.

Tu aurais peut-être conclu cela aussi, ce n’est pas grave.

La dernière fois, que nous nous sommes vus, Bernard Chapuis recevait un prix littéraire. Tu as quitté la salle de restaurant. Je t’ai observé sortir et j’en étais convaincue, c’est la dernière fois que je vois Jean Marc.

C’était en mars 2011, on te disait guéri, fin de la première tume


Colombe Schneck

écrivaine et journaliste

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