l—ombre
on imagine qu’il y avait dans l’ombre. avait un livre là posé. le livre était posé à plat. où il était précisément pourquoi il était là ce qu’il faisait on ne saurait trop le dire ni à qui il était et ce qu’il racontait ; s’il avait un propriétaire et s’il racontait même quelque chose personne ne le savait. personne ne le savait puisqu’il n’y avait personne ni là ni ailleurs ni nulle part. le livre était donc toujours là posé comme à attendre peut-être une lecture qu’on le lise à haute voix ou en chuchotant ou en murmurant ou dans sa tête en silence ; peut-être qu’on l’emporte ; on pourrait juste le feuilleter ou l’écrire.
on imagine qu’il y a donc clairement un livre dans l’ombre oui dans l’ombre posé sur le dos. il avait presque quelque chose d’un corps étendu comme un gisant dans le calme plat des vocables au repos. on ne sait pas pourquoi c’est si calme et qu’il n’y a toujours personne non vraiment personne pour lire dire penser.
aucun mouvement du livre lui-même car il est fermé et que personne ne l’ouvre puisque personne n’est là car l’espace est vide. il n’y a pas de mouvement d’air. l’atmosphère est pesante et prégnante même s’il n’y a rien à prendre sauf le livre que personne ne prend puisqu’il n’y a personne. l’éther enveloppe seul le volume celui qui est là il est comme massif. il enserre toute chose bien que le vide s’étende à perte de vue et qu’on ne voie rien puisqu’il fait noir car il n’y a pas de lumière puisqu’il fait sombre car dans cette pénombre toute chose est plongée dans l’espace. espace monstrueux qui dévore de son immense étendue sans fin toute chose qui est plongée dedans. inexplicablement. insensément. inextricablement.
il fait noir. on imagine. on imagine qu’il fait noir ; que le noir est là partout. c’est comme ça que s’établit la perception. il y a beaucoup d’ombre. presque que de l’ombre. de l’ombre à perte de vue ; la perte de la vue dans l’ombre pesante. l’ombre elle avale tout et de tout ce qui est rentré rien ne sort car il n’y a p