Un dîner chez la veuve
Monsieur Dièse rentre tard et à regret du bureau. Depuis quelques semaines, il a beaucoup de mal à rentrer chez lui, où l’attend sa légitime. Il ne la supporte plus, il voit bien qu’elle cherche à le rendre fou et craint qu’elle y parvienne.
Bien entendu, il a des torts : il l’a crue intelligente parce que belle, et il l’a crue gentille parce qu’intelligente. En fait, elle n’est que belle mais fait sa maligne parce que ça la rend désirable : elle en joue, en abuse, en jouit. Maligne, vraiment.
Quand il rentre, tard et à regret donc, elle lui annonce d’une voix enjouée qu’ils sont invités à dîner chez la veuve. Robe noire et lèvres rouges, elle rayonne. Ça donne à Monsieur Dièse des envies de sexe ou de meurtre, mais pas de dîner avec une veuve.
Pour tout dire, il ne connaît pas cette veuve. Madame Dièse l’a rencontrée à la gymnastique. En effet, pendant qu’il se ruine la santé au bureau, elle s’adonne à des activités physiques au nom de l’hygiène de vie. Elle a de l’empathie pour les veuves.
Ça crève les yeux : Madame Dièse apprécierait le veuvage. Elle remplirait l’appartement avec ses fanfreluches, se lèverait à midi, recevrait ses amants et n’oublierait pas de se faire plaindre par les pipelettes du quartier. Une vie bien agréable, en somme.
Monsieur Dièse, lui, se lève à l’aurore pour s’adonner à son travail inepte. Embouteillages, cent courriels à lire chaque matin, hiérarchie obtuse, clients mécontents, réunions à la con, redéfinition des objectifs et, pour finir, nouveaux embouteillages.
Reprenons. Il rentre fatigué et amer, aimerait se caler dans un fauteuil, boire une bière, lire les faits divers dans le journal – se reposer. Mais, il va devoir garder son costume, se recoiffer, ressortir, dîner chez une veuve qu’il ne connaît pas, converser.
Au moins, grâce aux faits divers, on sent qu’on n’est pas le seul malheureux sur terre. Des piétons se font renverser, des ouvriers tombent de la grue, des enfants se noient. Tout bien considéré, avec sa misère conjuga