Assemblage
Ceci non plus n’a aucun sens,
une course après le vent.
Tout va bien
Faut que tu arrêtes, dit-elle.
Arrêter quoi, on fait rien. Elle a eu envie de le reprendre. Il n’y avait pas de « on ». Il y avait lui le sujet et elle l’objet, mais lui, il a dit écoute, pas la peine de t’énerver pour rien.
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Souvent elle s’installait dans le dernier cabinet, dans les toilettes des femmes, et elle fixait la porte. Parfois elle restait là, comme ça, durant toute la pause déjeuner, elle attendait de chier ou de pleurer ou de trouver la force de retourner à son poste.
Il la voyait, à son poste, depuis son bureau à lui, et il l’appelait régulièrement pour commenter ce qu’il voyait (et ce que ça lui évoquait) : ses cheveux (indomptables), sa peau (exotique), son chemisier (qui les contenait à peine, ses seins).
Au téléphone, il lui ordonnait de petites choses. Ce qui l’humiliait davantage que les choses plus importantes qui finissaient par suivre. Malgré tout, elle brandissait l’agrafeuse comme il lui avait dit de le faire. Descendait son verre d’eau d’une traite. Crachait son chewing-gum dans sa main.
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Elle était sortie déjeuner avec ses collègues. Six hommes d’âges, de corpulences et de tempéraments variés. Ils avaient commandé quatre nigiris de bœuf et, durant le repas, évoquèrent de temps en temps la situation dans laquelle elle se trouvait, par de vagues allusions et des remarques accusatrices.
L’un des plus âgés, un gros, collier de barbe grisonnante encadrant ses fines lèvres roses, posa sa fourchette pour s’exprimer franco. Il commença lentement : il savait qu’elle n’était pas du genre à en profiter. Il le savait, oui, il le savait. Voilà, il s’interrompit pour ménager son effet et savourer l’excitation que ça lui causait, de lui dire ses quatre vérités, à la fille. Mais – mais quand même, elle devait bien l’admettre, qu’elle avait un avantage sur lui et sur les autres, à cette table. Elle pouvait quand même l’admettre, ça, pas vrai.
Un grand sourire, il ouvrit grand l