Récit (chantier)

Beelitz

Écrivain

C’est une bonne nouvelle que nous vous annonçons aujourd’hui : Mathias Enard prépare un nouveau livre. Aux Champs libres de Rennes ce week-end pour parrainer le festival Jardins d’hiver, il nous a confié le premier chapitre d’un récit de voyage en cours d’écriture – La Mélancolie des confins. Nous sommes dans la Marche de Brandebourg, entre l’Ouest et l’Est, entre hier et aujourd’hui, entre les vivants et les morts, sur les terres sablonneuses et tristes où l’Europe a semé la guerre.

Près de Berlin, comme nous sortions de la clinique où nous avions rendu visite à E., alors que la nuit tombait (ciel violet, violent, parcouru d’ombres et du frémissement des peupliers) et que nous marchions vers la gare de chemin de fer, un peu hébétés par la tristesse d’avoir laissé E. sur son lit d’hôpital, dans ce long hiver où elle était recluse, un vers de Blanca Varela me revint en mémoire : « Là où tout s’achève, déploie tes ailes »[1]. Cette intrusion soudaine de la poétesse péruvienne au milieu de la bruine et des arbres sans feuilles, parmi les centaines de lacs perdus entre les méandres bleus de la Havel et les péniches chargées de sable de la Spree, à l’ouest de cette Marche de Brandebourg creusée en son centre par l’enclave berlinoise, Marche où nous nous enfoncions doucement dans la nuit striée de rouge par les automobiles fuyant vers Potsdam, cette apparition brusque de la poétesse de Lima aux longs cheveux noirs me parut à la fois chargée d’espoir et de mélancolie, de promesses d’avenir et de douleurs mêlées, tout comme l’état de E. : un changement de rythme dans le fil du temps. E. se trouvait dans l’un des rares bâtiments en fonction de ce qui avait été, à la toute fin du XIXe siècle, le plus grand sanatorium d’Europe et dont le nom, Beelitz, est aujourd’hui associé aux monceaux d’asperges que produit la contrée. L’asperge aime apparemment les sols sablonneux du Brandebourg tout autant que les hêtres, les tilleuls et les résineux qui peuplent la dense forêt autour de l’ancien complexe hospitalier, coupée en quatre par la route de Potsdam et la voie ferrée de Berlin vers laquelle nous marchions en silence, les ailes protectrices de Blanca Varela au-dessus de nos têtes, grand oiseau de nuit.

Beelitz-Heilstätten est un ensemble d’une cinquantaine de bâtiments perdus dans plusieurs centaines d’hectares de bois et dont seule une poignée (y compris la clinique, moderne, où se trouvait E.) fonctionne encore aujourd’hui. On s’y promène au milieu des ruines, des toits de tuiles rouges effondrés, des corniches brisées par le poids de la neige et de l’abandon ; de vieilles carcasses de Trabant sans moteur ni pneus y pourrissent gaiement derrière des hangars aux tôles défoncées, agrémentant le paysage d’une note de couleur bleue ou verte et rappelant, si d’aventure on l’oubliait, qu’on se trouve en ex-Allemagne de l’Est. La végétation a souvent pris le dessus sur les constructions et au milieu de l’immense parc on tombe sur des édicules grignotés par les rejets de sureau et les ronces, dissimulés derrière des haies sauvages – toute la science médicale et architecturale allemande du début du XXe siècle nous y apparaissait comme dans un tableau de Schinkel, un paysage imaginaire tristement réel, d’une beauté romantique qui, étant donné la fonction originelle du complexe, accueillir les tubards, avait doublement l’aspect de la Mort. Les nobles édifices de briques, aux encorbellements saillants, aux fiers chiens assis, évoquaient tour à tour, selon leur taille, des villas de bord de mer ou de grands hôtels de montagne abandonnés et, associés dans l’esprit du promeneur au bacille de Koch et à sa maladie, la tuberculose, ils convoquaient La Montagne magique, la mort de Chopin ou celle de Kafka. Étrange à quel point cet ensemble éparpillé dans la végétation concentrait l’histoire tragique du Brandebourg – on y avait soigné les blessés pendant la première guerre mondiale ; Hitler lui-même s’y était remis de ses blessures. Après la seconde, les Soviétiques y avaient installé leur plus grand hôpital militaire à l’ouest de la Mère Patrie, actif jusqu’au début des années 1990, et dont on retrouvait facilement l’emplacement : au milieu d’une grande cour, face à un de ces larges lazarets symétriques trônait la statue d’un infirmier de l’Armée Rouge, modèle 1945, son brancard roulé à la main comme une lance ou une oriflamme, sa mitraillette Shpagin et sa musette en bandoulière. Couvert de graffiti bigarrés, ses bottes repeintes en rose électrique par un artiste inconnu, il posait hiératiquement, insensible à ces crachats colorés sur son vieil uniforme de pierre. L’ancien bol’nitsa qu’il gardait pieusement était à l’abandon depuis près de vingt-cinq ans. Une soixantaine de mètres de large, deux ailes saillantes, d’élégants bow-windows au rez-de-chaussée de la façade arrière, des attiques à colombages soutenant de hauts combles pentus surmontés de clochetons comme autant de petits phares, c’était un géant abandonné aux forces de la décrépitude. Les portes et fenêtres du rez-de-jardin étaient obstruées par des planches de contreplaqué qui n’empêchaient pas les curieux (photographes débutants, explorateurs urbains, jeunes à la recherche d’aventures) d’entrer pour visiter ce musée du délabrement. Car il n’y avait rien d’autre à voir, dans l’ancienne clinique, que les effets du passage du temps. L’escalier monumental et les élégantes colonnades de l’entrée étaient toujours là, mais perdaient enduits et peintures en une mue écailleuse, dont les squames verts ou blancs jonchaient les marches. Des rosaces de verre intactes surmontant des baies sans fenêtres paraissaient resplendir dans la débâcle générale. À l’étage, perdue au centre d’un noble palier à colonnades se trouvait une baignoire en fonte écaillée, à demi remplie de débris de plâtre, comme si les déménageurs russes fatigués avaient décidé, en dernière instance et après de longues hésitations, d’abandonner ce pesant machin à son sort pour ne pas avoir à descendre l’escalier avec. La lumière était magnifique. La générosité des ouvertures striait de rayons les amoncellements de merde. Les longs couloirs s’ouvraient sur des chambres vides inondées de soleil et d’ordures, vieux journaux à moitié brûlés, bouteilles de bière brisées, parfois des matelas défoncés et souillés ou des chaises sans assises évoquant les squelettiques penseurs robots d’un autre monde. Une vie clandestine s’était épanouie ici, aussi invisible pour nous que les médecins et infirmiers russes ; ces traces de passages s’effaçaient encore plus vite que les inscriptions en cyrillique çà et là sur les murs – la pièce la mieux conservée de l’ensemble était sans doute le grand gymnase qui occupait, en double hauteur, l’aile gauche du bâtiment : le plancher était encore là, la peinture verte (ce vert dense que, j’ignore pour quelle raison, j’ai toujours associé aux gymnases) aussi, tout comme les affiches et slogans vantant le sport militaire soviétique ainsi que le dessin d’un gymnaste sautant comme un chevreuil la haie d’un cheval d’arçon.

Quelques semaines avant le grave accident de E., j’avais trouvé dans ma boîte aux lettres un dépliant commercial en couleur et papier glacé assez luxueux qui proposait aux habitants de Berlin, artistes, compositeurs, designers, architectes d’acheter un appartement dans un pavillon de l’ancien sanatorium de Beelitz, bâtiment en cours de rénovation. La livraison de ces logements-ateliers était prévue pour deux ans plus tard. La réclame vantait la beauté du lieu, son calme et un certain entre soi, une wohnidyll pour créateurs, un creative village. Avec poésie, les promoteurs se proposaient de « tirer de son sommeil la Belle au bois dormant du quartier D du sanatorium de Beelitz »[2]. Ce lourd sommeil de l’ensevelissement sous la végétation semblait effectivement menacé et le soldat soviétique gardien du lieu aurait bientôt de nouveaux voisins d’en face, reclus dans la création comme lui dans le temps, et nous avions l’impression, en marchant lentement, écrasés par le poids de l’entrevue avec E., que Beelitz était un décor ensorcelé empli de breloques fantomatiques, un théâtre d’ombres où l’humain, les humains, étaient condamnés à passer, à jamais, sans réussir à imposer leur marque : quoi qu’ils tentent ils parviendraient, au mieux, à se maintenir comme la statue de l’infirmier russe, un souvenir parodique souillé par la poursuite même de la vie. Les artistes, les créateurs que le marché immobilier convoquaient à Beelitz allaient, me semblait-il, faire eux aussi l’expérience de cet affrontement avec la vacuité. L’art des confins, des limites. Ils ne pouvaient, dans un tel endroit, que s’interroger sur leur propre effacement. Ou le contempler, s’y enfouir pour mieux le décrire : ainsi le « chemin de canopée » qu’un consortium touristique venait d’installer au nord de l’ancien sanatorium, un sentier de métal perché à 10 mètres de haut qui serpentait entre les cimes des arbres comme un balcon sans maison et permettait d’observer (outre les oiseaux, la vie de la forêt et l’organisation de la plaine alentour tachée de lacs) la certitude de la ruine. Ce jouet grandeur nature, dernier avatar de la société de loisirs à laquelle se sont convertis les environs de Berlin, commençait par une tour d’observation métallique, simple haute cage d’escalier en plein air dont le premier palier donnait accès au sentier proprement dit. Ce Baumkronenpfad géré par une entreprise au nom poétique, Baum und Zeit, « arbre et temps », en associant l’observation de la nature à celle de la désolation moyennant le prix tout à fait exorbitant de 10 euros, inventait une sorte de romantisme capitaliste, une double illusion, où la décrépitude des bâtiments, le souvenir de ces femmes décédées dans leur sanatorium, l’unité de chirurgie des poumons, la maladie qui était à l’origine du lieu devenaient objet de plaisir, à défaut de méditation – les quelques touristes que nous avions croisés avant notre visite à E., dont le courage pour braver (ponchos imperméables, lourdes galoches de marche, hautes chaussettes martiales) l’automne brandebourgeois ne faisait aucun doute, arpentaient les nues en regardant droit devant eux, au loin, les paysages de forêts mortes et de champs d’asperges plutôt qu’en bas l’ancien complexe hospitalier. Baum und Zeit, Arbre et temps, plutôt que Sein und Zeit, Être et temps.

Le vers de Varela, Là où tout s’achève déploie tes ailes, acquérait depuis cette hauteur une urgence brûlante. Ouvre tes ailes de rêve et survole la mort. Des paroles d’aède. L’étrange chemin d’acier dans les nuées, avec sa beauté inutile, s’élançant au-dessus des bâtiments morbides de l’ancien sanatorium dans les branches sans feuilles des hêtres et la verdeur noircie des pins, s’élevant sans autre but que l’exploration des ultimes confins, ceux du temps et de la mort, devenait pour nous une manifestation, une allégorie à la fois de notre puissance et de notre futilité, de l’inutile énergie déployée pour un combat certes perdu d’avance mais fécond, une lutte inégale dans le limes du désespoir. Le créateur, dans son atelier flambant neuf de Beelitz, pourrait, au cours d’une promenade dans les cimes, être là, regarder en bas, ou ailleurs et contempler les nues, sans que son œuvre cesse pour autant d’être liée au corps de celui qui l’énonçait et dont le discours, comme dans le poème de Varela, était des ailes qui s’ouvraient pourtant loin au-delà de lui-même, au-delà de la frontière du néant, et rejoignaient les morts, tous les morts, pour qui le temps n’existe pas et restent inexorablement, malgré l’acharnement de la vie, bien plus nombreux que les vivants. Les morts seront toujours plus nombreux que les vivants, et le calcul de l’intégrale de la fonction « Mort » qui fait passer x de vie à trépas donnerait sans doute un résultat des plus déprimants : entre 80 et 200 milliards d’individus, apparemment, seraient « passés sur cette terre », comme on dit. Telle la Belle au bois dormant de Louis Sussmann Hellbronn, condamnée à l’enfermement dans le marbre et la Alte National Galerie de Berlin : nous avions visité le musée en compagnie de E. peu de temps avant son accident. Au milieu de l’île aux musées, ce temple romain inauguré en 1876 pour abriter les trésors artistiques de la Prusse, temple dessiné par le monarque Frédéric-Guillaume lui-même, abrite grand nombre de chefs-d’œuvre du romantisme allemand et de l’art prussien – la Belle au bois dormant ouvre pour ainsi dire le bal, dissimulée sous l’escalier. (J’exagère – pas tout à fait sous l’escalier, dans le renfoncement créé par la deuxième volée de marches.) Le sculpteur avait déployé pour cette œuvre tout son savoir-faire et essayé d’alléger, de soustraire la Belle au bois dormant au poids même de la pierre dont elle était faite, au poids de l’endormissement, au fardeau du temps : la matière de la statue paraissait aussi ductile que l’or ou le bronze, les rosiers si festonnés, découpés dans le travertin si blanc et dont les feuilles auraient pu être vertes tant elles semblaient vivantes, la Belle au bois dormant pouvait attendre son Prince pour les siècles des siècles, sauvée par l’artiste, assoupie dans son trône de marbre – artiste lui-même si oublié que son nom ne dit aujourd’hui absolument plus rien à personne : il a manqué pour lui-même ce qu’il projetait de réussir pour sa splendide Belle au bois dormant, la gloire et l’éternité.

La Alte National Galerie déployait ses tableaux de Menzel et de Caspar David Friedrich – le fameux Wanderer über dem Nebelmeer, le marcheur sur une mer de nuées, qui illustre des dizaines de pochettes de disques de musique romantique allemande, cet homme au haut d’un rocher, le pied gauche en avant, le bâton de marche à la main qui semble prêt à s’élancer sur les nuages aurait pu se trouver là, s’il n’était pas à Hambourg ; qu’à cela ne tienne, le Temple d’Apollon recelait quantité de toiles qui donnaient une idée du XIXe siècle vu depuis Berlin : à la fois martial et romantique, peuplé de nuages, de clairs-obscurs, de moustaches et de défilés militaires. Peuplé aussi d’un gigantesque pied, sobrement intitulé Pied de l’artiste par le génie prussien Adolphe von Menzel, et cet autoportrait original, aux ongles en capilotade, aux orteils rougis, aux veines saillantes, en disait sans doute autant de l’histoire de la Prusse au XIXe que de longues digressions: le pied de l’artiste, c’était celui du promeneur, du Wanderer, tout autant que celui du soldat, l’arpion militaire dans sa botte – l’ambivalence féconde du panard germanique. Menzel, dont la vie coïncidait avec le XIXe siècle dans son entier, était tout autant un peintre d’histoire, représentant la vie de la brillante cour de Frédéric II, par exemple, qu’un peintre réaliste décrivant son époque, la ville, l’industrialisation, les travaux et les plaisirs, les bourgeois et les petites gens. Menzel, c’est le pied, pensais-je, et cette remarque mnémotechnique un peu potache avait déjà dû réjouir un siècle de visiteurs francophones des collections allemandes, qui emportaient de Berlin, pêle-mêle, le souvenir de la Belle au bois dormant de marbre, d’un coucher de soleil brumeux au port de Greifswald et de l’extrémité veinue du membre inférieur de Menzel.

À Beelitz, sur la route de la gare, la bruine devenait (me semblait-il) d’autant plus épaisse que les lumières des automobiles en éclairaient les longs traits scintillants –

Elle est froide, la lumière de la mémoire
Ce qu’on a à peine entrevu
Brille avec insistance
Tourne et cherche
Le cul de bouteille
Ou la flaque de pluie.[3]

Certes elle est bien froide, la lumière de la mémoire, pensai-je, même lorsqu’elle éclaire des œuvres d’art. Le sanatorium de Beelitz ressemblait au Vaisseau des morts du roman de B. Traven, un lieu flottant entre la peur et la déréliction. J’appréhendais le voyage nocturne dans le train Regional Express qui nous ramènerait vers Berlin, pressés l’un contre l’autre pour nous rassurer, en silence, face au long hiver s’annonçant pour nos vies. Je ressentis soudain, dans la bourrasque, cette angoisse qui me prenait, enfant, au moment de la chute des feuilles – je me revois observer, chaque jour à mon retour de l’école, les feuilles mortes sur le gravier et celles qui se recroquevillaient dans les arbres, certain qu’elles ne reviendraient pas, que cet hiver-là serait le dernier, l’hiver définitif, le Dévoreur et que chaque feuille qui nous amenait vers Lui, jaune, marron, rouge, chaque peuplier, chaque érable, chaque saule malmené par les crues, chaque jonchée de bogues pointues à l’angle d’un chemin signaient notre disparition prochaine. L’automne prenait, quatre mois après l’accident de E., ses teintes vespérales, ses allures d’apocalypse et l’enfance toute lointaine renvoyait ses frayeurs vers ce jour gris qui ne parvenait plus à se lever tout à fait, hésitant des heures durant entre ombre et lumière, froide comme la mémoire. Cette hésitation n’en était pas une, c’était un répit avant la nuit glacée de Berlin en décembre, la nuit glacée de Berlin en janvier dont on imagine qu’elle ne se rallumera jamais de la tiédeur du printemps, du printemps mortel de la Marche, celui qui avait vu la dernière grande affluence de blessés entre les murs de Beelitz, la dernière avalanche de blessés, le dernier printemps sanglant avant le long hiver rouge et  la statue du brancardier soviétique – aujourd’hui le Brandebourg déborde encore de monuments à la gloire de l’URSS, en souvenir de la Grande Guerre Patriotique ; l’infirmier de Beelitz, celui de la mitrailleuse Shpagin et du brancard roulé, s’était battu dans les forêts alentours, sous les sapins et les hêtres étêtés par les obus. Les blessés soviétiques avaient remplacé les blessés nazis, les secouristes russes les infirmiers allemands. À Beelitz s’étaient regroupés les miettes de la IXe Armée du général Busse, les miettes humaines, en cette fin d’avril 1945, avril gelé, un avril de boue et de sang, une traînée rouge dans un ciel laiteux, les miettes humaines et les débris mécaniques – quelques tanks, des canons de DCA utilisés contre les chars – du dernier rempart de la défense de Berlin, rempart disloqué par le Front biélorusse de Joukov et son extraordinaire supériorité en hommes et en matériels. Les Soviétiques ont atteint l’Oder quelques semaines plus tôt et installé des têtes de pont sur sa rive occidentale. Joukov masse derrière le fleuve – plaine humide trouée d’étangs et de marécages, hautes herbes couleurs fauve découvertes par le dégel – la plus grande concentration d’artillerie jamais réunie : des dizaines de milliers de canons et des milliers de chars pour le bombardement définitif, la désintégration des dernières défenses allemandes avant Berlin. Dix fois plus de bouches à feu que les 4 000 canons et obusiers français et allemands de Verdun. De quoi propulser un million d’obus sur les positions qui contrôlent la route de Berlin, à 70 km à l’ouest de la capitale par la Reichsstraße 1, la grande route ouest-est qui traverse le monde germanique et relie Aix-la-Chapelle à Königsberg. La limite Est de la Marche de Brandebourg, aujourd’hui frontière avec la Pologne, est cet Oderbruch, cette plaine marécageuse de l’Oder, marais drainé par les ingénieurs prussiens au XVIIIe siècle sur le modèle des polders hollandais, dépression délimitée à l’ouest par une falaise d’une cinquantaine de mètres tout au plus, les hauteurs de Seelow, petit village de 500 habitants pour autant d’arbres et une gare sur la ligne de train Nord-Sud, parallèle au fleuve, qui relie Francfort sur l’Oder à Eberswalde. Seelow a été le lieu d’une formidable bataille, la dernière grande bataille sur le sol de l’Europe, bataille où l’équilibre terrifiant des pertes compensa l’inégalité inouïe des forces en présence – entre 20 et 30 000 morts dans chacun des camps, au moins 50 000 cadavres en soixante-douze heures, cadavres dont les ossements ressurgissent encore et encore au fil des labours et des saisons, en compagnie des milliers de munitions non explosés qui jonchent toujours la vallée. Parfois la construction d’une piste cyclable met au jour des tombes collectives ; parfois, mû par on ne sait quel courant souterrain, un obus remonte à la surface – parfois même un rat taupier creusant sa galerie déclenche une explosion souterraine et un atroce geyser de poils et de chair rougie qui épouvante les passants. Chaque année, des morceaux de ferraille, restes de véhicules, de fusils, de casques, d’éclats ou de douilles parsèment les sillons et font la joie des archéologues amateurs et des détecteurs de métaux.

Entre le 16 et le 19 avril 1945 un million deux cent mille hommes se sont battus dans ce marécage plat comme la main, scarifié par la ligne de chance de l’Oder et les rangées de peupliers qui en marquent les limites. Les nazis sont conscients qu’il s’agit de la bataille de la dernière chance : dernière chance de retarder les Soviétiques dans leur course vers Berlin – Hitler est persuadé (à juste titre pourrait-on dire) qu’une guerre ne va pas tarder à éclater entre Russes et Américains et que ce nouveau conflit sera l’occasion de tirer in extremis son épingle du jeu. Himmler écarté, Hitler a confié à Gotthard Heinrici – 58 ans, les joues creuses, des lunettes, les cheveux gominés en arrière – la responsabilité du Groupe d’Armées Vistule, ruine militaire faite d’unités reconstituées avec les décombres de l’effondrement du Front de l’Est. Le général Theodor Busse (47 ans, lunettes rondes, raie séparant en deux masses la chevelure comme l’Oder la plaine) prend le commandement de la IXe armée blindée, pièce clé du dispositif de défense de Berlin, puisque c’est elle qui tient ces hauteurs de Seelow. Busse est originaire de Francfort-sur-l’Oder tout proche ; il connaît bien les paysages de l’Oderbruch. Est-ce qu’on se bat mieux dans les lieux où l’on a grandi ? On est sans doute plus sensible aux hurlements stridents de paysages que rien – à une heure de Berlin – ne prédestinait à la destruction. Cette nouvelle ligne de front n’avait encore jamais été frontière ; la frontière se trouvait bien plus à l’est, vers Posen et cette ville au nom si joyeux de Schneidemühl ; l’Oder coulait au milieu du Brandebourg, c’était, avec la Spree et le Havel, la grande voie d’eau de la Marche.

À la lisière du village du même nom, dans le petit musée consacré à la bataille de Seelow, Gedenkstätte Seelower Höhen, Schlachtfeld und Erinnerungsort, « Champ de bataille et lieu de souvenir », près de la gare, on peut voir un état des forces de la IXe Armée parvenu le 15 avril, veille de la bataille, au QG du général Busse. Ce document fait état de 90 836 hommes prêts à se battre contre des Russes dix fois plus nombreux. Ces 90 836 hommes ont creusé des fossés, préparé des redoutes, organisé trois lignes de défense – une dans la plaine, large de plusieurs kilomètres, sur trois fronts successifs ; une à Seelow même, sur les hauteurs, à 18 km de la rivière ; et une encore plus haut, à 15 km en arrière de Seelow, à Müncheberg, où se trouvent les réserves et les unités médicales.

Le lundi 16 avril 1945, à 5 heures du matin heure de Moscou, alors qu’il fait encore nuit noire à Seelow, l’offensive russe commence par le plus formidable barrage d’artillerie que la terre ait jamais connu. Toutes les pièces (canons, obusiers, lance-roquettes) massées par Joukov font feu sur les dix kilomètres de positions allemandes pendant 20 minutes, à raison de 20 000 obus et roquettes à la minute. 400 000 munitions s’abattent sur les lignes ennemies, soulevant un tel nuage de poussière qu’ils empêcheront encore, dans les premières lueurs de l’aube, les milliers d’avions – bombardiers lourds, bombardiers légers, chasseurs de soutien – de distinguer leurs objectifs : ils largueront leurs bombes au petit bonheur, ajoutant encore au bruit et à la destruction. Cette préparation d’artillerie est si puissante qu’on la ressent jusqu’à Berlin – la Wilhelmstrasse apprend le début de l’attaque par l’éclair et les vibrations venues de l’est avant même les premiers radios. Le message de Joukov est clair : vous allez être balayés, écrasés par la puissance soviétique comme la vermine que vous êtes et, pour les soldats pris sous ce feu roulant, sourds, muets, compissés, étranglés par la pression dans la poitrine, le manque d’air, le vibrant craquement des tympans qui sifflent, aveuglés par la poussière et la peur, couverts des débris de leurs tranchées, du sang de leurs camarades moins chanceux qu’eux gémissant à leurs côtés, agonisants, les membres brisés par les étais, les côtes enfoncés par les éclats, pour les soldats qui survivent encore après cette apocalypse, le cœur battant à 180, il semble bien qu’il ait raison. Après la grande lumière des explosions, la lumière des projecteurs. 143 projecteurs antiaériens géants illuminent la nuit de l’Oderbruch pour permettre aux chars et à l’infanterie d’avancer. En théorie comme en plein jour. Mais le nuage de poussière soulevé par le bombardement est si formidable et si dense que les rais de lumière se heurtent au brouillard comme à un mur. On n’y voit pas clair, on y voit cendre, on n’y voit goutte. On avance dans le blanc comme dans le noir. Le terrain a été tellement remué par l’artillerie, tellement perforé, chamboulé, qu’il est difficile de progresser – les soldats qui suivent les chars voient ceux-ci plonger et disparaître dans les trous d’obus avant de surgir, le canon pointé vers le ciel, dans un rugissement de moteur furieux. Hébétés, choqués, les soldats allemands quittent les positions les plus touchées pour se replier vers les falaises de Seelow – les Russes sont aspergés à leur tour de feu et de mitraille, les Allemands tirent à travers le brouillard vers les hommes et des chars qui se découpent dans la lumière des projecteurs comme les figures d’un théâtre d’ombre. Les mitrailleuses MG42 et les Panzerfaust, lance-roquettes antichars, entrent en action ; il est à peine 4h du matin.

Pour qui parcourt aujourd’hui les pentes des hauteurs de Seelow ou qui observe, depuis son petit mémorial, la plaine, les champs et les rivières il est facile de s’imaginer la bataille, même si les armes lourdes exposées dans la cour sont exclusivement soviétiques – deux canons, un tank T34, un camion lanceur de Katiouchas décoré d’une belle étoile rouge, tous presque flambants neufs, d’un beau vert dense, bien repeints, bien entretenus. Les combattants allemands ont disparu du souvenir et du monument, ils sont relégués en bas, dans le musée ; les tombes des soldats qui entourent, arc héroïque de stèles glorieuses, le monument central sont toutes soviétiques. Et au centre, au sommet de son monticule de pierre où apparaît la tourelle d’un char détruit, l’Ivan de bronze, avec sa mitrailleuse Shpagin lui aussi, son casque, sa capote, ses godillots et le monde conquis à ses pieds. La statue est l’œuvre du sculpteur Lev Kerbel, et une des premières du genre, la première que les Soviétiques ont choisi d’ériger, avant même celle de Küstrin, avant celle du Tiergarten, avant le gigantesque soldat à l’épée du Treptowerpark, avant l’infirmier de Beelitz et avant bien des monuments disséminés de Vladivostok à Chemnitz, première statue monumentale qui montre bien l’importance que revêt cette victoire de Seelow et le sacrifice consenti pour elle, ces dizaines de milliers d’Ivan crevés droits dans leurs bottes sous leur capote comme le soldat de Lev Kerbel grand sculpteur de héros soviétiques, qui sculptera des soldats morts toute sa vie, jusqu’en 2000, quand, à l’âge de 83 ans, on lui commandera son dernier combattant de bronze, un marin de 4 mètres de haut, un matelot pour honorer les 118 héros qui périrent en mer Baltique à bord du Kursk, un sous-marinier tout contre son submersible comme le biffin de Seelow est près de son char d’assaut, l’infirmier de Beelitz s’appuie sur son brancard et la Belle au bois dormant penche la tête sur ses rosiers de rêve – Lev Kerbel a sculpté des Lénine de bronze, des Staline, des Karl Marx et les a vus déboulonnés les uns après les autres ; il ne reste de son œuvre monumentale que les soldats, les seuls à avoir survécu aux changements idéologiques, comme si leur mort, leur sacrifice ultime, les préservait des transformations politiques. Fort heureusement sans doute, aucune idéologie n’a revendiqué les morts tombés sous les ordres de Theodor Busse et de Gotthard Heinrici ; ils sont juste morts. Sans gloire et sans monuments. Morts en silence ; leurs tombeaux sont dans les livres de Theodor Plievier, le militant antifasciste qui réussit le prodige de conter les douleurs des soldats allemands de Stalingrad à Berlin sans jamais être complaisant avec l’idéologie que ceux-ci défendaient, bien au contraire. Stalingrad et Berlin sont le miroir allemand de Vie et destin de Vassili Grossman ; en les lisant parallèlement on a la sensation que les morts se parlent, que les vivants se répondent d’un camp à l’autre, que leurs cris sont les mêmes, cris pour survivre, cri contre le totalitarisme, cri pour la gloire des sans gloire.

Pas un menhir sur un tumulus, pas de pierre portant son nom ; jamais la voûte du ciel nocturne ne se creusera au-dessus de son ultime demeure ; jamais les étoiles, éternelles lampes funèbres, ne monteront la garde au-dessus de son tombeau.[4] Cette épitaphe jetée par Plievier comme un linceul de haine, une malédiction antique, sur le cadavre d’Hitler, brûlé à l’essence dans un trou de bombe devant son bunker, cette épitaphe est aussi, à tort ou à raison, celle de la plupart des soldats allemands de la seconde guerre mondiale. À tort ou à raison, pensais-je en avançant au milieu des ruines de Beelitz que la nuit et la pluie paraissaient réparer d’obscurité, restaurer de noir, à tort ou à raison l’oubli et la disparition sont les seuls tombeaux des soldats vaincus, qu’on les imagine comptables des exactions de leur drapeau ou à l’inverse innocents, soumis au destin collectif – dans les deux cas ils n’ont de sépulture que l’oubli. Seule la littérature, dans son kaléidoscope de possibles, peut les envisager pour ce qu’ils sont, des corps disparus, des figures monstrueuses, des liens perdus avec le passé.

Dans le petit musée de Seelow, dissimulé tel un bunker sous le monument soviétique, le silence est grand et il y a peu de visiteurs ; je parcours des yeux les cartes des positions militaires, 16 avril, 17 avril, 18 avril, je pense aux phrases de Plievier, qui fait hurler Hitler dans Berlin : Un fleuve ! Ils ne sont même pas foutus de défendre un fleuve, c’est bien la preuve qu’ils ne veulent rien défendre du tout ! N’importe qui saurait défendre un fleuve.[5] Malgré la résistance acharnée des Allemands, faute de pouvoir interposer des réserves dans les vides laissés par les unités détruites, le front est enfoncé en plusieurs endroits. La route de Berlin est ouverte aux Soviétiques. Pour éviter d’être tourné et sauver ses hommes, Theodor Busse entreprend une retraite direction ouest-sud-ouest, en contournant Berlin par le sud ; il espère pouvoir regrouper, aux environs de Beelitz, les restes de l’infanterie et les quelques chars survivants pour, ensuite, si Dieu le veut, se rendre aux Américains sur l’Elbe, du côté de Magdebourg. 20 000 soldats allemands sont morts en vain pour défendre leur capitale perdue d’avance ; ce nombre, qui n’est certes qu’une goutte d’eau dans les chiffres de la seconde guerre mondiale, m’impressionne. C’est cinq fois plus de morts – du seul côté allemand, et les pertes soviétiques sont identiques – que tous les tués à l’ennemi du débarquement en Normandie. Où sont ces 20 000, ces 40 000 tombes ? Dans le cimetière de Seelow reposent très officiellement 649 Allemands et, près du Monument, 149 Soviétiques. En admettant que chaque cimetière des environs – Golzow, Küstrin, Zechin – en contienne autant, on est loin du compte[6]. Pas d’immense cimetière sous la lune du Brandebourg, pas d’alignements infinis de croix blanches. Je pose la question à la gardienne du musée (femme d’une cinquantaine d’années, robe à fleurs bleutée, cheveux mi-longs ondulant au bas de mèches teintes en blond platine) qui me répond, surprise de mes interrogations « cherchez-vous quelqu’un en particulier ? La tombe de votre grand-père ? » – je réponds « non », sans me justifier plus avant. « Il y a des morts partout » ajoute-t-elle soudain, « Überall liegen Tote », avec un geste du menton autour de nous, et un mouvement du poignet en direction des collections, et soudain j’ai l’impression que des morts casqués et armés flottent dans la pièce, ectoplasmes tournoyants générés par la gardienne. Effectivement, elle a sans doute raison, il y a des tombeaux partout, surtout dans les musées ; j’observe longuement les possessions d’un soldat allemand retrouvés récemment dans un sillon où l’on allait planter du blé : une plaque de métal, un peigne presque sans dents, deux clés, un flacon, quatre boutons, un tube de dentifrice « Solidox », un manche de rasoir et trois pièces trouées.

 

Überall liegen Tote. Les morts sont partout.

Surtout dans la Marche, pensais-je en avançant vers la lumière lointaine de la gare de Beelitz-Heilstätten ; dans la Marche et les livres, comme si la frontière était un profond fossé, une fosse commune, une tranchée commune et les livres une longue cicatrice suintant les morts, des artefacts de papier d’où les cadavres sauteraient comme des pucerons noirs, les graines de tristes semailles. La mort est une semeuse, plus qu’une faucheuse. La frontière est féconde en disparitions ; fertile en violences ; la littérature pousse dans l’ornière mortelle, sort du charnier tel un coquelicot, un pavot du pauvre qui donnerait cette forme magnifique d’oubli, cette forme sublime d’oubli qu’est la mémoire, qu’est un livre. Quels récits fabrique la limite, la confrontation toujours plus ou moins violente avec autrui ? L’Europe écrit-elle toujours l’Iliade, sème-t-elle toujours des morts dans les sillons de l’affrontement ?

Überall liegen Tote. Il y a des morts partout et je me demande, en avançant vers la gare de Beelitz-Heilstätten, ce que nous laisserons derrière nous, combien de boutons – combien de dents restera-t-il à mon peigne, quelles pièces trouées m’accompagneront-elles dans la tombe ? Je me souviens qu’à peu de distance, dans une forêt tout à fait semblable, à l’orée du Spreewald, à quelques kilomètres du village de Halbe, au pied d’un hêtre aux branches repoussées, guéries de la guerre, miraculeusement réchappé des bombes, centenaire, j’avais découvert une petite plaque, seul signe de l’emplacement d’une tombe collective où gisaient 177 inconnus, soldats et civils ; civils, c’est-à-dire réfugiés de l’Est qui accompagnaient la Xe armée de Busse dans sa fuite éperdue vers Beelitz. Tous moururent ensemble, réfugiés et soldats, écrasés sous les obus soviétiques, rajoutant une catastrophe à la catastrophe, une déroute à la déroute, une débâcle à la victoire russe, débâcle, le nom de la fonte subite des glaces, quand les corps sont emportés, en pièces, dans une mortelle rivière : quelques dizaines de milliers de morts de plus dans cette belle forêt hantée, ces pins magnifiques, ces feuillus auprès des cours d’eau, graves fantômes de femmes et d’hommes disparus.

Bien peu avaient rejoint Beelitz, pensais-je, quand le long nuage de la paix a envahi le ciel du Brandebourg.

 

J’eus soudain la sensation, en grelottant dans la bruine aux abords de la gare de Beelitz, que seule la promenade et la marche convenaient à la littérature, comme on rêve, l’automne venu, aux insectes dont le dernier vol erratique de fleur mourante en fleur morte et le bourdonnement terminal rappellent pour nous, sautant par-dessus l’hiver, le printemps qui viendra. L’errance était la seule façon d’explorer les bordures, les marches de la littérature et des empires, les sillons où reposent les guerriers, littérature des limites et poésie des confins.

 

Là où tout s’achève, ouvre tes ailes ; Donde todo termina, abre las alas. C’est peut-être parce que E. avait, de tant de façons, consacré sa vie aux livres, que j’eus la sensation, au moment où le train Regional Express rouge et blanc approchait du quai, que toute la littérature était elle aussi une affaire d’acharnement, de persévérance, de marges et de combats perdus, à l’image de cette Marche de Brandebourg pour nous maintenant si triste dans la nuit  rendue encore plus opaque par les phares de la locomotive.

 

Texte publié en partenariat avec Les Champs libres de Rennes, à l’occasion du festival Jardins d’hiver (3-5 février).

 


[1] « Donde todo termina, abre las alas », in Blanca Varela, Como Dios En La Nada (Madrid, Visor Libros, 2013).

[2] Le projet de promotion a pour nom « Refugium Beelitz Heilstätten » et se trouve dans la partie sud-ouest du complexe. Au moment où j’écris ces lignes, il reste quelques ateliers-appartements à vendre.

[3] « Es fría la luz de la memoria
Lo apenas visto brilla
Con insistencia
Gira buscando el casco de botella
O el charco de lluvia » – Blanca Varela. Nous traduisons.

[4] Theodor Plievier, Berlin, p. 210 (Flammarion, 1954, juste avant la 3e partie).

[5] Idem, p. 95.

[6] En réalité ils en comptent bien moins, d’après le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge. 56 combattants inconnus à Golzow, par exemple, 20 in Neuküstrinchen, etc.

Mathias Enard

Écrivain

Notes

[1] « Donde todo termina, abre las alas », in Blanca Varela, Como Dios En La Nada (Madrid, Visor Libros, 2013).

[2] Le projet de promotion a pour nom « Refugium Beelitz Heilstätten » et se trouve dans la partie sud-ouest du complexe. Au moment où j’écris ces lignes, il reste quelques ateliers-appartements à vendre.

[3] « Es fría la luz de la memoria
Lo apenas visto brilla
Con insistencia
Gira buscando el casco de botella
O el charco de lluvia » – Blanca Varela. Nous traduisons.

[4] Theodor Plievier, Berlin, p. 210 (Flammarion, 1954, juste avant la 3e partie).

[5] Idem, p. 95.

[6] En réalité ils en comptent bien moins, d’après le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge. 56 combattants inconnus à Golzow, par exemple, 20 in Neuküstrinchen, etc.