Camouflage
Face à nous : la mer.
Sous nos pieds : le sable blanc, chaud ; granuleux.
Dans notre dos : la forêt, jungle ou garrigue, un assemblage de plantes qui n’a pas su sur quel climat pousser, qui semble s’être dit, pourquoi pas là ? On pourrait aussi voir dans cette forêt de bord de mer une création humaine. Des hommes, femmes et enfants auraient craché là les noyaux de leurs fruits préférés, et alors cette forêt serait issue de préférences gustatives plutôt que d’une contrainte géologique.
Malgré ces origines douteuses, les animaux ont trouvé là un habitat. Un perroquet s’envole d’un arbre pour aller se poser sur un autre, suivant toujours le même chemin, migrant perpétuellement entre deux arbres. Des bruits feutrés suggèrent des pattes de fauves. Une tortue vient de quitter la végétation, elle se dirige vers la mer, sans bruit. D’autres animaux sont cachés, je le sais. Sur la brochure il était noté : une faune exceptionnelle. Si nous avons de la chance, si nous sommes assez silencieux, tous viendront se baigner avec nous. C’est mon rêve secret, me mêler aux animaux tropicaux.
Nous sommes dans la carte postale envoyée par ma grand-mère. Dans le paysage punaisé sur notre frigo, que nous regardons dès que nous avons faim, dès que nous sommes repus, matin, midi et soir, depuis plusieurs années.
Ce paysage est mieux que la carte postale, même si les couleurs sont moins bien définies, parce qu’ici on sent le sable, les animaux sont accessibles, et on entend le froufrou du feuillage. Un petit vent, puissance modérée comme la position 2 du ventilateur, fait bouger les cheveux de ma sœur. Ceux de mon père ne bougent pas parce qu’il n’en a presque plus, ceux de ma mère sont ficelés dans un chignon très serré.
La mer est censée être impressionnante, méfie-toi de l’eau qui dort, dit ma sœur. Moi je crains la forêt. J’aimerais me mettre face à elle pour l’épier. Mais mon père me chuchote : ça ne se fait pas. À la plage, on admire le bleu.
Nous déplions nos serviettes, beiges com