Into the sky
Lorsque j’ai appris que dans le programme du festival Cinéma du réel organisé dernièrement à Beaubourg figurerait un film de Sharon Lockhart, j’ai aussitôt décidé d’assister à la séance au cours de laquelle il serait projeté. Je ne savais pas ce que j’allais voir et n’avais connaissance que du titre du film, Eventide, et de sa durée, 35’, mais ayant déjà vu plusieurs films de Sharon Lockhart, notamment à Marseille où elle avait été en 2019 l’invitée d’honneur du festival du film documentaire (FID), j’étais impatient de voir ce que cette fois-ci elle aurait réalisé. C’est la vision de son film Lunch Break, non pas vraiment projeté mais plutôt montré en continu lors d’une exposition au Bal qui avait éveillé une première fois mon attention sur son travail : en effet, ce film, tout entier construit à partir d’un unique travelling réalisé dans l’allée centrale d’une usine à l’heure de la pause déjeuner avait la particularité de se dérouler selon un extraordinaire ralenti et produisait un effet d’élongation et de vertige horizontal sidérant. La vitesse de déroulement de ce travelling qui avançait huit fois plus lentement qu’en temps réel remettait justement en question la réalité de notre perception du temps, et de même qu’il y a dans la chant de certains oiseaux comme la mésange charbonnière ou le troglodyte mignon, lorsqu’on les écoute au ralenti, une quantité d’événements sonores supérieure à celle que nous percevons, la charge de sens de l’image-mouvement augmente lorsque celle-ci défile au ralenti. J’avais pu ensuite – et c’est la raison pour laquelle j’étais allé à Marseille – contacter Sharon Lockhart, mon but étant de l’inviter à participer avec son film à une séance d’un séminaire que je tentais de construire au Jeu de Paume et qui, intitulé Voir le temps venir, eut effectivement lieu fin 2019, juste avant le déclenchement de la pandémie et alors que Paris était en partie paralysé par une grève des transports causée (déjà !) par un projet de réforme des retraites