L’Air de la montagne
[Géocaustique fracassante]
Cris des rapaces et des corbeaux. Espace déserté aussitôt repris par les oiseaux. De sombres cumulus se sont agglutinés au-dessus, grisâtres, à l’image de la casse gigantesque. L’orage gronde en direction du Val d’azur et de Guillestre. Accoudés aux garde-corps, des italiens prennent la mesure du site, qu’ils commentent en ces termes : « La montagne est plus belle que l’homme ». À moins que ce ne soit : « La montagne est plus belle que l’humain » ! Un truc dans ce genre. Comme eux, je m’accoude à la barrière et les rejoins dans l’admiration exclamative et les phrases creuses. C’est humain (ou un truc dans ce genre) !
Comment parler d’un feu d’artifice autrement que par onomatopées ou locutions, évasives ? Admiratives ? Superlatives ? L’éboulis grise le quidam. Que voulez-vous, le spectacle sidère d’autant plus qu’il est naturel ! Nous n’avons pas de mot pour ‘le grandiose’, quand ‘grandiose’ même ne saurait suffire. Nous restons là, interloqués, à débiter la première ânerie venue. Le réservoir est grand, et le stéréotype, notre lot commun. En voilà un autre. Je vous le disais, quand ça vous tient ! Il n’y a qu’à rester là, un moment, devant la Casse déserte, et ça sort tout seul. Nul besoin de forcer. Aucun talent particulier n’est requis. L’ânerie est universelle. Les phrases ne manquent pas. Une amorce suffit, qu’on laissera en suspend, trop conscient de la chose et de la situation. Honteux de s’être fait prendre à notre tour.
L’image qui me vient, à l’instant, est celle d’un drapé tombant. Je ne peux pas mieux dire. Un drapé de graviers, diapré de gris, s’infléchissant vers la base. Disons, un drapierre, dans les plis duquel la langue se perd ! C’est comme si du sable s’écoulait, en quantité et continûment, de vastes auges en pierre. Comme s’il perlait de la falaise, sourdait du rocher. Déjections coniques, ocre et grisonnantes. Éboulis abouliques, glissant des cimes déchiquetées jusqu’au bas de la pente. Granulat des aiguilles érodées