Roman (extrait)

Nos petits mondes

Écrivain

« Comme la danse est la seule chose qui puisse résoudre la plupart de nos problèmes, on transforme nos malheurs en mouvement. » Miles Davis, Ebo Taylor, Jay-Z…, et les jam des jeunes de Peckham : la musique est le personnage principal du deuxième roman de l’écrivain anglo-ghanéen Caleb Azumah Nelson. De Londres à Accra, de l’été 2010 à l’été 2012, Stephen finit le lycée et voit sa vie s’épanouir mais aussi basculer. À paraître chez Denoël, traduction par Santiago Artozqui.

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Étant donné que la danse est la seule chose qui puisse résoudre la plupart de nos problèmes, il semble logique qu’ici même, après le chatoiement des mains noires brandies, debout pour célébrer, le pasteur nous ait invités, nous, ses ouailles, à prier, et nous avons laissé cette prière s’étaler, nous nous sommes donné le droit d’explorer les profondeurs et les sommets de nos êtres, de dire des choses honnêtes et vraies, d’essence divine, même. Nous nous sommes donné le droit de parler à quelqu’un qui est à la fois celui que nous sommes et celui que nous voudrions être, le droit de parler doucement, ce qui incite à renoncer au besoin de sécurité et à se demander : quand avons-nous rendu les armes pour la dernière fois ? Quand avons-nous été aussi ouverts pour la dernière fois ? Et avant qu’on puisse tenter de répondre, la batterie attaque, de but en blanc, confiante. Puis une ligne de basse massive, qui entre dans le vif du sujet. Le pianiste plaque quelques accords secrets de l’âme. Et avant la fin de l’intro, le chœur se glisse par magie sur la scène, il y a un micro dans une main, un sourire quand la soliste s’avance en chantant sa prière : I’m trading my sorrows, I’m trading my shame – Je troque mes chagrins, je troque ma honte. Elle chante ces mots, sachant que ceux qui se trouvent dans cette salle ont probablement éprouvé des chagrins, qu’ils ont probablement connu la honte. On connaît la mort sous toutes ses formes, mais on est tous très sérieux quant au fait d’être vivants. Et comme la danse est la seule chose qui puisse résoudre la plupart de nos problèmes, on transforme nos malheurs en mouvement. On franchit les frontières de nos bancs, on envahit les travées, on se fraye un chemin jusqu’à l’espace devant la scène, on se fraye un chemin au sein de cet espace lui-même.

Je vois mon père, plus loin, au milieu des paroissiens, son corps libre qui se trémousse en tous sens. Il agite un mouchoir, tel un fanal, comme pour dire, je suis là. Il se donne et il se do


* En français dans le texte.

Notes

* En français dans le texte.