Échange
En descendant furtivement l’escalier, il ne détestait pas son père, en se faufilant dans le couloir de l’entrée à trois heures du matin, Tony Francis ne détestait pas son père, en plongeant la main comme un faucon chasseur dans les plis de la penderie, il n’était contrarié ni par son père, ni par sa mère, ni par l’enfance, ni par l’école, ni même par ses propres erreurs. La main identifia la douceur luxueuse de la veste sport en cachemire de son père, elle plongea dans une poche, explora l’espace confiné vide, se retira, s’agrippa à la poche de l’autre côté, y plongea et en sortit les clés de la voiture. Il pouvait laisser son père tranquille tant que son père le laissait tranquille. Même si son père essayait de l’embêter, le docteur Stryker, à sa manière silencieuse, avait enseigné à Tony une douce indifférence, lui avait enseigné, pendant les mois à l’hôpital et par la suite pendant les heures dans son cabinet, que dans le fond ça ne comptait pas, ce que son père pensait de lui, ne comptait pas, il avait toute sa vie devant lui. Et puis un sacré laps de temps s’était écoulé depuis la fois où le jardinier l’avait trouvé ivre en train de se débattre sur le siège avant de la vieille Olds, la porte du garage fermée et le moteur qui tournait, il avait amené Tony de force dans la salle de séjour en lui disant : « Je ne comprends pas, Tony, un garçon de seize ans, qui a l’avenir devant lui. » Son père ne tenait pas à envoyer Tony à l’hôpital, mais sa mère avait pleuré, menacé d’elle-même de s’en aller et de jeter véritablement l’opprobre sur lui si c’était ça qui l’inquiétait tant. Ne savait-il donc pas que son fils était malade ? Elle lui lança sa haine à la figure lorsqu’il fut d’accord pour envoyer Tony dans un hôpital, à condition que ce soit un hôpital en dehors de la ville. Avait-il honte de son propre fils ? Eh bien oui, qu’elle aille au diable, il avait honte. Mais au moment où elle avait commencé à faire sa valise, il avait capitulé.
« Très bien, très bien, emmè