Fables politiques
Dans ses articles de jeunesse puis dans ses écrits d’intervention politique, dans ses textes théoriques et dans ses lettres, l’auteur des Cahiers de prison, Antonio Gramsci, dirigeant communiste condamné par le régime fasciste, pratiqua tout au long de sa vie diverses formes d’écriture. Grand lecteur, il chérissait les genres narratifs brefs : fables, contes, apologues, nouvelles. Au point que lorsqu’il reçut enfin la permission d’écrire en prison, ce par quoi il commença fut une traduction des contes des frères Grimm (de février 1929 jusqu’à janvier 1932, dans trois des quatre cahiers uniquement consacrés à ses traductions).
L’une des raisons de cette prédilection est sans doute à chercher dans le double aspect de ces récits brefs : savants et populaires, ils relèvent simultanément des plus anciennes traditions littéraires et de cet « esprit populaire créateur » auquel Gramsci consacra une large part de sa réflexion durant ses années en prison.
Nous avons sélectionné et traduit pour AOC sept textes qui illustrent ce qui semble bien être, pour Gramsci, l’une des principales fonctions du récit bref : une continuation de la politique par d’autres moyens. Moyens poétiques, souvent ironiques, légers mais profonds, susceptibles de livrer ce qu’on pourrait appeler une « morale politique » de la fable.
Il s’agit ici de réécritures ou d’adaptations de récits préexistants.
Réécritures de fables et contes issus du patrimoine narratif mondial – depuis le Panchatantra de l’Inde du IIIe siècle avant notre ère (« Not’ Maire »), jusqu’aux Fables de la Fontaine (« Le Grelot »), en passant par la Castille médiévale de El Conde Lucanor de Don Juan Manuel (« Les corbeaux et les hiboux ») – ou réécriture d’une nouvelle de Lucien Jean, un écrivain français, prolétaire et militant (Lettre à Giulia du 27 juin 1932).
Mais aussi adaptations de récits que Gramsci a pu entendre dans des circonstances précises (« Diamantino », « La réaction italienne ») ou à l’époque de son enfance sarde (Lett