Cannibale
J’ai vécu deux ans à Strasbourg, où j’ai fait mes études en Génie Mécanique.
La première année, j’ai habité un studio que j’avais trouvé à la dernière minute et dans lequel je me suis installé sans l’avoir visité ni vu en photo.
Le jour où j’ai emménagé, j’ai découvert un nid de pigeons, sur le balcon. La maman est passée sous la plaque de fer qui séparait mon balcon de celui de mon voisin, pour se cacher, laissant ses deux oisillons grelotter. En plus c’est protégé, comme espèce, m’a dit le promoteur de la résidence étudiante.
J’ai eu toutes les peines du monde à faire intervenir le personnel de l’immeuble, pour qu’on s’occupe du nid.
Trois semaines plus tard, j’ai croisé le concierge dans l’ascenseur. Je lui ai demandé ce qu’ils en avaient fait. On les a balancés dehors. Les chats, ils les bouffent.
La deuxième année, j’ai emménagé dans un appartement avec deux garçons de ma classe. Un avec qui on avait décidé de se mettre en coloc, et un autre avec qui non.
Très vite, le premier a regretté son choix, et un peu plus tard le deuxième aussi.
On a mangé une semaine comme une petite famille, c’est-à-dire que quelqu’un cuisinait, on mangeait ensemble le même plat, à l’issue de quoi quelqu’un faisait la vaisselle. Puis on a adopté des habitudes de famille mal recomposée, et on a réorganisé le frigo en trois étages inéquitablement remplis.
Le premier était quelqu’un de sensible.
Avec Max, on parlait à cœur ouvert, encouragés par la certitude d’être compris l’un par l’autre. On se sentait comme au premier rang d’un concert de Mylène Farmer.
Une fois, avant les vacances, il a repoussé son retour en train de quelques jours pour rester avec moi, après que j’avais fait la fête trop fort. On a passé la nuit à regarder un couple en surpoids perdre leurs kilos en étant fréquemment interrompus pour commenter les images. Le principe de l’émission était le suivant — s’ils perdaient un nombre de kilos qu’il avait choisi avant leur mariage, le coach leur payait les alliances.
Il fa