Roman (extrait)

Martyr !

Poète, écrivain

Sa mère était dans l’avion abattu par États-Unis en 1988. Il venait de naître dans un pays qui cultive le culte des « martyrs ». Cyrus Shams, qui cherche à écrire des poèmes sur le sujet, est sans doute un alter ego du poète irano-américain Kaveh Akbar. Un jeune homme alcoolique, perdu, drôle, qui rencontre une artiste dont la performance consiste à mourir de cancer au Brooklyn Museum. Premier roman, à paraître chez Gallimard, traduit par Stéphane Roques.

Cyrus Shams

UNIVERSITÉ DE KEADY, 2015

Peut-être Cyrus avait-il pris les mauvaises substances dans le bon ordre, ou les bonnes substances dans le mauvais ordre, mais quand Dieu finit par lui répondre après vingt-sept ans de silence, ce que Cyrus voulut plus que tout, c’était une confirmation. Une clarification. Allongé sur son matelas qui puait la pisse et le Febreze, dans sa chambre qui puait la pisse et le Febreze, Cyrus fixa les yeux sur la seule ampoule de la pièce, impatient qu’elle clignote à nouveau, que Dieu lui certifie que le clignotement était un acte divin et pas seulement une conséquence de l’installation électrique foireuse du vieil appart.

« Fais-la clignoter », se dit Cyrus, pas pour la première fois de sa vie. « Un seul petit clignotement et je vends toutes mes affaires, je m’achète un chameau. Je prends un nouveau départ. » Toutes ses affaires, en ce moment, consistaient en un tas de linge sale et une pile de livres empruntés dans diverses bibliothèques et jamais rendus, poésie, biographies, La promenade au phare, Mon oncle Napoléon. Mais qu’importe, tout cela : Cyrus ne plaisantait pas. Pourquoi le Prophète Mahomet devrait-il recevoir la visite d’un archange ? Pourquoi Saül devrait-il voir resplendir la lumière du ciel sur la route de Damas ? C’était facile de trouver la foi la plus fervente après avoir été si clairement frappé par la révélation. Était-il juste de louer ces gars-là pour leur foi, alors que ce n’était en rien la vraie foi, qu’ils faisaient seulement obédience à ce qu’ils avaient réellement pu observer ? Était-il logique de punir le reste de l’humanité, qui n’avait pas reçu de révélation aussi explicite ? De ballotter tout le monde de crise en crise dans une solitude désespérante ?

Et pourtant, cela venait aussi d’arriver à Cyrus, ici même dans cette chambre miteuse de l’Indiana. Il avait demandé à Dieu de se révéler Lui-même, Elle-même, Iel-même, Soi-même, allez savoir. Il l’avait demandé avec toute la diligence à sa disposition, u


[1] « Dame Lazare », de Sylvia Plath, traduit de l’anglais par Valérie Rouzeau, Gallimard, 2011.

 

Kaveh Akbar

Poète, écrivain

Notes

[1] « Dame Lazare », de Sylvia Plath, traduit de l’anglais par Valérie Rouzeau, Gallimard, 2011.