ah ! vous voulez la lune
il arrive qu’une nuit soit moins noire, un ciel neigeux des rais cosmiques des vers volants les lueurs de l’air la lune double triple qui rend fou parfois aveugle, elle roule en cercle sa lumière secondaire De feu luysant elle est environnée, du soleil surtout dont elle coupe les rayons, brillant de cette prise devenue une veilleuse, de l’électricité gracieuse et modulable suivant les heures et les jours, cendrée juste avant sa reprise, réfléchit comme un miroir de verre qu’elle n’est pas
les yeux hors service l’homme dans la nuit s’allume une lumière, une bougie une lampe torche un bec de gaz une veilleuse mais dix ne valent pas une lampe, d’autres se font un bel autoportrait à l’abat-jour, à chaque activité la sienne, dehors celle émise par le ver luisant est comme une étincelle tombée de la pleine lune dit Fabre, capable de faire renaître les morts ou de servir de phare aux marins, dans l’eau la raie torpille produit des décharges violentes, quant au champignon il luit vert pâle, le lapin Alba rayonne, le paysage est électrique le spectre visible, le peu de lumière une ligne droite silencieuse traverse le vide un bon conducteur et à sa manière divaguant légèrement
ou qu’elle est selon les Anciens un disque de cristal une très bonne machine catoptrique, concave à son maximum convexe bien moins active, polie par la poussière cosmique, lisse autant que l’eau que le lait elle refait tous les spectacles, le soleil en réduction les mers extérieures les ombres de la terre, une sphère de caractère, un réflecteur dont les altérations sont celles d’un miroir qui perd un peu de son plomb ou de son âme carrée
par nuit claire un miroir rond à la main tu auras vite fait de produire un météore les impressions parmi l’air les chemins plats le trèfle et la sensitive endormies, toi-même et tout le reste ou s’il est combiné d’une certaine façon un homme se regardant y verra autre chose, c’est un fameux générateur de spectres, tu auras vite fait de saisir le paysage comme un tableau une excellente série Oiseaux de nuit Nuit étoilée Fire, Full moon Carré noir sur fond blanc blanc qui dans l’obscurité trouve avec son opposé le noir de mars d’encre de charbon une substance commune car les âmes ont la nuit, rondes ou carrées, celle du miroir pouvait en Chine capter l’eau de la pleine lune
piqué ou sali des petits spectres flous venus du fond, la forme de ses propres songes, des images qui prolifèrent des aspérités les trous et les bosses, des figures soit l’ombre d’un visage coloré chez lui l’œil semble être plus vert que bleu, des nuages feutrés, l’analogie de paysages en contrebas, les vallées les cratères des fausses mers mare vaporum palus somni… les fausses îles et des péninsules, beaucoup de choses qu’on pourra compléter, une abondance de brouillons
via les trous et dans le noir d’une chambre voyagent les images en raies spectrales des figures mobiles auxquelles l’œil sert de cible sans y être vraiment, silencieuses et privées d’épaisseur des silhouettes continues le soleil agrandi aux dépens de la lune des maisons les arbres des rivières le vol des génies avec toutes leurs couleurs mais exactement renversées, c’est une idée du monde lequel tourne présentement, un cinéma naturel, une coupe dans le temps puis elles cessent d’en être ces images, des songes aussi nombreux que les feuilles de la forêt ou que des choses fausses pouvant paraître vraies, par exemple une lune à tête de jument ou la mutation d’un loup quand elle est pleine, celui qui les regarde longtemps devient semblable à son ombre
le silence, aucun air pour porter les sons mais flexible métaphorique ou algébrique, un parfait automate mécanique aussi variable qu’une girouette ou un songe, la lune n’est jamais à la même place et jamais ailleurs, tantôt il croît tantôt il décroît ce bol percé de trous à l’air épaissi, quand elle va autour de la terre brillant d’un éclat emprunté soit quand la terre en fait le tour c’est la ronde de nuit comme celle du jour, elle bouge et on bouge pareil au milieu tout est entre chien et loup
sans les oreilles il entend une petite musique, la sienne sourde et intérieure, celle de la nuit est une énigme une bande son presque muette mais active, presque le silence irritant le diable, entre elle et le jour il s’est levé marche sur un fil, terminateur sur la lune, un automate psychique une machine de haute précision, sous le disque plein qui le fait aller il se confronte au ciel étoilé court les rues gagne les hauteurs, c’est un très bon piéton, il voit la nuit grâce à son troisième œil plus son sixième sens il peut comme ça distinguer chaque planète parler aux morts et aux quelques personnes de son espèce le somnambule magnétique tout à son affaire avant de regagner sa chambre mine de rien
Ptolémée l’a dit la lune nage au fond d’un fluide impeccable elle a l’œil rond et brillant, sa surface est sans défaut mais Galilée mordu de la nuit invente une super longue-vue, il la voit de près pleine de plages brillantes d’étendues sombres de monticules de cratères, de face et de profil des taches figurant une région d’exception de quoi faire chaque mois une belle révolution, pourtant sur la fin ça le laisse aveugle et illustre les yeux vers la haute atmosphère et le nez dans la poussière
tremblée pliée tamponnée indélébile zéro cadre ni couture partout de chaque couleur la tache est un certain imbroglio, tel les nuages la poussière elle prend toutes les allures, adhère bien à son hôte, sur un miroir piqueté elle se défait augmente, on y voit alors la forme de ses propres songes on y devine autant que dans le marc de café, elle devient une marine un animal une invention des airs de tête un paysage de cette nuit tombe une poussière de taches pâles qui hésitent entre ce ciel et cette mer, de la neige ou des vieilles étoiles dégradées, mais lorsqu’elle est aveugle, aucune image ne se forme sur la rétine, une tache corrige l’autre c’est une retouche permanente une énorme réserve, rien n’est plus en mouvement rien ne reste tant en mémoire
ah ! vous voulez la lune ? où ? dans le fond du puits ? une masse d’air condensée sa texture proche de la farine et son odeur de poudre à canon, tout le monde sait qu’on y voit un homme avec son chien Laïka il se peut, portant un fagot ou bien un lièvre solide un bœuf égyptien une souris commune ou le lion Fecoil fecoil tombé de là haut, gêné par sa lumière d’emprunt pour faire des vers, une vraie ménagerie, un fagot sur le dos et à l’occasion la fusée du retour
pourvu d’un engin de pointe par le plus court chemin parfois sans façon tout droit tombé de la haute atmosphère, sur la terre plate au milieu d’un buisson contre un pic rocheux hagard comme au jour un hibou l’œil augmenté l’esprit dilaté ou au fond du puits une grenouille qui ne sait rien de la mer, le chien ne voit ni rouge ni vert mais très bien à travers le noir des variétés de noir d’ivoire animal de fumée, le lièvre variable l’œil rond une cible et un aimant en même temps accommode si mal y compris pendant le crépuscule, à la souris commune il suffit de la lumière des étoiles alors que la vache les perçoit la nuit avec lune ou pas et n’en tire rien