Ça se voit que tout ce qu’on raconte entre nos lignes, c’est qu’on est pétée de peur de vivre
Je ne dirais pas que je suis une personne violente, non je ne dirais pas ça. Je ne suis même pas vraiment sûre de ce que ça signifie, être violente. Quand j’inscris le mot violent en moi je vois d’abord des yeux, ensuite je vois des mains puis il y a les mots, ceux qui veulent consumer la beauté d’une personne. Par beauté je veux dire sincérité, la sincérité c’est beau. Par contre en colère ça ouais je peux dire que je le suis. En colère. C’est nouveau, je vais pas le cacher, je suis pas née comme ça, je suis pas née avec une cuillère en colère dans la bouche, la colère est venue à moi, la colère m’a été transmise, on peut le dire c’est un don humain. Maintenant je la porte. Et parfois je la brandis. Mais je trouve qu’elle sort piteusement. Je suis pas encore assez familière avec ma colère. Ça s’apprend je suppose. Les personnes qui s’y frotteront, à ma colère je veux dire, excusez sa maladresse, on est coloc pour le moment, on est pas encore copines.
Je chope une table dans un PMU, sur la terrasse, dans son renfoncement. Je m’assois face à la rue. Le soleil est tombé depuis un certain temps, maintenant c’est la nuit. C’est une histoire de lumière qui se reflète dès qu’elle peut sur n’importe quoi. Dans les vitres, sur les carrosseries, sur l’écran de mon tel, sur la tranche supérieure des rambardes, sur la pointe des poteaux, sur les bandes blanches au sol, dans les flaques, dans les gouttes. Et les feux qui harassent, des aplats de rouge, de vert, d’orange, des yeux sans pupille qui s’allument par intermittence régulière, qui régulent le monde sans broncher, jamais ça se révolte un feu je me dis, on voit pas souvent des feux qui s’arrêtent, qui renoncent. Toutes ces couleurs qui déchirent le noir, ça me fait penser à Blade Runner. Je pense souvent à Blade Runner et à ses filles-publicités-hologrammes géantes qui coupent ton chemin dans la rue pour te réconforter et faire du sexe avec toi. Avec toi, je veux dire avec les hommes. Elles sont nues, elles sont blanch