La littérature « après » le postmodernisme
À ceux qui osaient pointer un paradoxe en demandant ce que faisait Dieu avant la création du monde (il n’était pas censé y avoir encore de temps), Augustin répondait : il taillait des verges pour punir ceux qui s’en enquièrent. Qu’arrivera-t-il aux insolents qui posent la question symétrique, à l’autre bout des siècles : que se passe-t-il après la sortie de l’histoire qu’était censée être le « postmodernisme » ? Pour répondre à cette question, et au risque de subir un châtiment postdivin, j’aimerais essayer de suggérer un ou deux éléments à même de décrire où en est la littérature. Un ou deux seulement : l’affaire qui m’occupe dans la suite de ces pages est relativement (pour moi du moins) brumeuse, pour ne pas dire carrément obscure. Je ne suis pas spécialiste de ces questions ; j’interviens seulement comme un praticien qui cherche à comprendre où il se trouve. On aura donc raison de mettre la maladresse de ma démarche sur le compte d’une ignorance tempérée de prudence, et s’imaginer que j’avance comme on traverse une chambre inconnue, la nuit, en tâtonnant, s’efforçant de ne pas poser la tendre plante de son pied sur un jouet contondant laissé par quelque enfant insouciant, ou insolent, ou diabolique.
1.
Mon interrogation a commencé ainsi. Lisant ou relisant (dans l’optique d’écrire un article sur la poésie du Britannique J. H. Prynne, à propos de laquelle on a pu débattre de son affiliation au postmodernisme), plusieurs passages de deux livres importants de Fredric Jameson, L’Inconscient politique (1981) et Le Postmodernisme (1991), j’ai été frappé par le caractère soudain déroutant qu’il y aurait pour nous à imaginer que l’on pourrait, par un examen de « la culture » (définie comme un champ relativement autonome qui, quoique traversé d’enjeux propres, exprimerait d’une manière ou d’une autre les logiques structurelles de l’époque) faire le diagnostic du présent. Peut-être parce que nous ne sommes plus dans les années quatre-vingts ? c’est-à-dire au seuil — à la