Au bord
Et pourtant j’avais été persuadé de l’imminence d’un évènement, je l’avais senti en claquant la porte de la maison en fin de journée pour aller les rejoindre, un peu avant huit heures du soir, c’était le sentiment d’un drame en préparation, seulement une esquisse mais la sensation avait bien été là, ancrée dans ma chair, le poids écrasant du danger, vous voyez sûrement de quoi je parle, ce genre de sentiment qui nous prend parfois sans crier gare, un sentiment qui nous fait respirer plus rapidement, une sorte d’apnée, si vous voulez.
Ça, je ne l’ai pas dit à l’homme en uniforme lorsqu’il m’a posé la question. J’aurais eu l’air un peu con de lui affirmer, fier de moi, oui Monsieur l’agent, dès cette magnifique fin de journée, je sentais bien qu’un malheur allait se produire – non, ce genre de pensée on le garde pour soi, je ne vais pas provoquer des éclaboussures pouvant m’incriminer davantage. Mais il est vrai, je n’aurais pas cru que le malheur allait être si grand, que la journée se déploierait jusqu’à cet évènement : drame survenu avec trois individus ce jeudi 22 août sur la côte des Basques, 21h12, ils diront plus tard, dans une sorte de résumé un peu débile par son aspect classique, simple et protocolaire, selon les informations qu’on leur donnerait, à ces deux gendarmes arrivés en trombe sur les lieux de l’incident dans leurs voitures flambant neuves. Les flics, ils ont de la thune, ils ont de la prestance, ça m’a toujours déstabilisé, car comment peut-on faire confiance à des personnes qui détiennent autant de pouvoir ?
À mon interlocuteur, je lui ai surtout décrit le vent, son état, sa déflagration et le bruit l’accompagnant – toute information pouvant expliquer cette chute sur la côte des Basques, une raison pour laquelle un corps tomberait de trente mètres de haut avant de s’écraser contre les rochers, alors je lui ai répété, oui le vent était très violent, oui il nous poussait vers le large, oui on aurait dû partir. Le gendarme à qui je faisais ces déclar