16 parties de chasse
La première fois que j’ai tiré en Amérique, j’ai touché un arbre. Nous étions dehors depuis un moment, sans doute quelques heures. Le premier tir a atteint un arbre, mais le suivant a sifflé entre les feuilles. Aussitôt après, j’ai cessé, l’animal s’est enfui, et tout est devenu silencieux.
Au moment où j’ai levé la tête du viseur, j’ai remarqué que David et les autres, debout, me regardaient ; j’étais gênée. Je les ai laissés là et je me suis approchée de l’arbre. J’ai cherché le projectile mais je ne l’ai pas trouvé. Il semblait avoir été avalé par le tronc. La terre sentait fort, elle dominait l’odeur de la poudre brûlée, qui s’est évaporée comme si elle n’avait jamais existé. Je suis restée encore quelques minutes près de l’arbre.
Ce jour-là, nous avions quitté le bureau de bonne heure, peu après le déjeuner. Le matin nous avions participé à une étrange réunion avec les directeurs d’Israël. Ils avaient émis des messages contradictoires et confus, nous laissant tous dans un certain inconfort.
Lorsque David était entré dans mon bureau en demandant s’il me dérangeait, j’étais occupée à écrire des mails aux clients. Il avait décidé que c’était « assez pour aujourd’hui », et, devant mon regard quelque peu perplexe, il avait souri en annonçant qu’il allait chasser avec quelques collègues du bureau. « Tu veux venir avec nous ? » m’avait-il proposé.
Quand je suis revenue vers les autres, David m’a félicitée d’une tape dans le dos. J’ai frissonné, je sentais sa main, déployée, et chacun de ses doigts à travers le tricot. Ils étaient écartés, comme au cours de yoga lorsque le prof nous demande de tendre les doigts à la manière des palmipèdes. David a dit quelque chose comme « bravo », sur un ton quasi automatique qui m’a tout de même plu. À vrai dire, je n’aime pas être encouragée en plein effort, ça produit sur moi un effet contraire. Je lui ai souri, puis j’ai dit que cela faisait vingt ans, peut-être plus, que je ne m’étais pas servie d’une arme. Jusqu’à cet instant-là