Roman (extrait)

Hamlet le long du mur

Écrivaine

Sonia tente de vivre de son métier de comédienne, de se remettre d’une histoire d’amour échouée, de trouver à ce qui l’entoure de quoi panser son amertume. Elle est née en Angleterre, comme sa sœur Haneen qui, elle, vit à Haïfa, dont leur père palestinien est originaire. Elle prend un aller simple pour aller la voir, y rencontre le théâtre : un Hamlet monté à Ramallah. Isabella Hammad est anglo-palestinienne. Son troisième roman, et premier traduit en français par Josée Kamoun, est à paraître chez Gallimard.

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Je comptais bien avoir droit à un interrogatoire à l’aéroport, et j’y ai eu droit. Ce qui m’a étonnée, c’est qu’ils ne m’ont pas gardée très longtemps. Une jeune policière blonde, puis une autre, brune, plus âgée, se sont relayées pour me poser des questions sur ma vie dans une petite salle. Elles voulaient surtout en savoir plus sur mes liens familiaux avec le pays, et j’ai répété quatre fois que ma sœur y habitait, mais que, pour ma part, je n’étais pas revenue depuis quinze ans. Pourquoi ? me redemandaient-elles. Je n’avais pas d’explication. À certains moments, elles semblaient presque vouloir m’expliquer mes droits, curieusement. Il est clair qu’elles tentaient de me déstabiliser. Comment se fait-il que votre sœur ait la citoyenneté et pas vous ? Question de circonstances, ai-je répondu dans un haussement d’épaules. Je ne voulais pas mettre ma mère sur le tapis. Elles ont dézippé mes bagages, fouillé mes affaires, ouvert chaque pièce de théâtre, feuilleté mon agenda, si vide dans les mois d’été, et les deux romans, dont l’un que j’avais fini dans l’avion, puis elles m’ont conduite dans une autre pièce pour la fouille à corps. Vous croyez vraiment que ça s’impose ? ai-je dit d’une voix hautaine quand la troisième policière a passé son détecteur sur ma chair nue comme si j’avais pu dissimuler quelque chose sous ma peau, en s’attardant sur les bretelles de mon soutien-gorge, assorti en prévision à ma culotte, dentelle bleue ; et au moment où elle s’est penchée vers mon entrejambe j’ai senti le fou rire palpiter dans mon ventre. Je me suis rhabillée, étonnée de trembler si fort, et dix minutes plus tard elles m’appelaient dans une cabine où un grand type que je n’avais pas encore vu m’a remis mon passeport en me disant que j’étais libre d’entrer. Bienvenue en Israël.

Je suis passée devant une zone d’attente, et j’ai reconnu deux Arabes à la mine sombre et une jeune Occidentale au rouge à lèvres vif qui étaient dans l’avion avec moi, et qui attendaient leur inter


Isabella Hammad

Écrivaine