Poésie

Une mouche

Poète

L’anniversaire de toutes les choses a fait connaître l’année dernière la poésie de la co-éditrice de la revue Muscle. Comme le titre de ce recueil le laisse imaginer, les choses sont là, dans la poésie de Roxana Hashemi, et avec précision. Que ça bouge ou reste immobile, que les sensations soient fortes ou qu’au contraire on traverse du vide, une sorte de loupe donne de la plénitude au minuscule.

Comme de l’eau se mélange avec de l’eau
mon corps se mélangeait
autour
mes gestes n’étaient plus à moi
ça ne faisait rien

 

 

 

Une mouche
pendait dans un salon
humain
une aile et demie collée

un chien
aboyait
en bas

un saut et
son museau touchait
le bout du ruban

une aile
et demie
presque une mouche
entière
collée sur un piège
humain

à quel point
un corps
peut-il bouger
les ailes coincées

assez pour se
les arracher
ou s’arracher à elles
on se le demande

le liquide
circulant à l’intérieur
d’un insecte
n’est pas le sang
l’hémolymphe
est
un liquide
généralement
transparent
ou
légèrement
jaunâtre

si
ayant écrasé une mouche
une trace rouge
apparaît
ce n’est pas du sang
mais le pigment des yeux

une mouche
qui s’arrache à ses ailes
ne saigne pas

on sait que
l’ablation d’une
ou de deux ailes
perturbe fortement l’orientation
des mouches
manipulées

la mouche avait
presque
lâché
parfois encore
son agonie
bougeait la jambe

la fin n’allait pas
tarder

 

 

 

Je pensais
moi aussi
la mouche
moi aussi

 

 

J’attendais
mes yeux
sur le spectacle

je pensais
à une mouche
sur un fruit pourri
dans une poubelle
un rat écrasé
au bord de la rue

j’inventais des souvenirs heureux

 

 

 

Un sauvetage pourrait
être
un bon coup
sur la tête
entre les deux yeux

comme pour un humain
épuisé
au point de risquer
l’insomnie

un coup
ciblé
ou
un oreiller
sur le visage

la méditation
ne suffit plus
alors
faisons
une inhalation
à la javel

demandons
à nos proches
un sauvetage

le problème
est simple

comment placer
un poing
humain
entre les deux yeux
d’une mouche

 

 

Est-ce
qu’une mouche
un humain
un chien
coexistent

les a-t-on
vus
dans la même pièce

oui
tout comme
un bébé
et un moine
coexistent

comme
un rire
et un cri

un hôpital
et une crèche
un abattoir

 

 

Un lac
coexistait
avec moi

je marchais autour
je savais
l’eau se mélange
avec de l’eau
je voulais me mélanger

le lac existait
tranquillement
je n’étais pas rassurée
le moins du monde

j’avais une amie
en train de se taper le crâne
contre un mur

et une autre
l


Rayonnages

FictionsPoésie