Poèmes

Ce pont, mon dos

Poète, Poète, Poète

This Bridge Called My Back sera bientôt publié en France, sous le titre Ce pont, mon dos, et ce sous-titre : Voix de femmes de couleur étasuniennes radicales. Audre Lorde, Judith Moschkovich, Chrystos, Combahee River Collective, Gloria Anzaldua… 29 femmes africaines-américaines, juives-américaines, natives-américaines, asiatiques-américaines, latinas, chicanas, avaient ainsi montré leur solidarité en 1981. La première traduction intégrale, par Noémie Bannerot-Polverini, de ce pilier de la lutte féministe paraîtra chez Cambourakis. En voici trois textes inédits.

Je suis ce que je suis

Rosario Morales

 

Je suis ce que je suis et je suis US-Américaine    je n’ai pas voulu le dire parce que sinon vous m’auriez enlevé mon identité Portoricaine mais aujourd’hui je vous dis d’aller en enfer    je suis ce que je suis et tous les mots et les ricanements à votre disposition ne pourront me l’enlever   je suis ce que je suis     je suis Portoricaine    je suis US-Américaine    je suis New York Manhattan et le Bronx    je suis ce que je suis je ne me cache pas sous un porche     derrière des rideaux    je suis ce que je suis    je suis Boricua car les boricuas viennent de l’île de Manhattan et je fredonne les tangos de Carlos Gardel dans mon sommeil et les rythmes afro-cubains sont dans mon sang et la douce langue latine de Xavier Cugat m’est familière    et précieuse   moqueusement précieuse mais il m’est familier et précieux    mais pas Carmen Miranda    qui est une plaisanterie alors que je n’ai jamais été une plaisanterie    j’ai été une sensation     Regardez ! voici une vraie de vraie Portoricaine et elle va à la fac    Eh ! Mary !    viens là et regarde, elle est d’ici      une fille du sud du Bronx et vrai de vrai qu’elle est à la fac maintenant      Si ça c’est pas quelque chose     qui l’aurait cru C’est pas merveilleux la science ou un truc comme ça une merveille une merveille

Et une personne qui faisait des langues son métier m’a arrêtée dans le métro pour me dire que ma façon de parler était un régal pour ses oreilles de linguiste     c’était un mélange de yiddish et d’espagnol et d’anglais raffiné d’universitaire et d’irlandais que je réserve surtout à mes prières     il est rouillé maintenant   je n’ai pas fait mes prières depuis des décennies mais écoutez mon Je vous salue Marrrrie pleine de grrrâce avec l’accent roulant et le dédain d’une nonne         tout cela est vrai et je suis tout cela savez-vous comment j’ai chopé un accent britannique à cause de la BBC je demande toujours         Pendant des années dans les mon


[1] Chicanx est une forme non genrée de Chicana (féminin) et Chicano (masculin), termes utilisés par les personnes d’origine mexicaine vivant aux États-Unis pour affirmer leur identité culturelle et politique. Le « x » marque ici une volonté d’inclusivité au-delà du genre binaire [NdT].

[2] On espère que cela changera maintenant qu’une femme noire est chancelière de notre circonscription universitaire.

[3] Ralph Ellison, L’Homme invisible, trad. Robert et Magali Merle, Grasset, 2022 [1952]. [NdT]

[4] Issei immigrés Japonais vivant aux États-Unis. [NdT]

[5] Nisei Japonais de deuxième génération, nés aux États-Unis. [NdT]

[6] Durant la Seconde Guerre mondiale, la classe 4-F désignait aux États-Unis les hommes jugés « inaptes au service pour des raisons physiques, mentales ou morales » [NdT].

Notes

[1] Chicanx est une forme non genrée de Chicana (féminin) et Chicano (masculin), termes utilisés par les personnes d’origine mexicaine vivant aux États-Unis pour affirmer leur identité culturelle et politique. Le « x » marque ici une volonté d’inclusivité au-delà du genre binaire [NdT].

[2] On espère que cela changera maintenant qu’une femme noire est chancelière de notre circonscription universitaire.

[3] Ralph Ellison, L’Homme invisible, trad. Robert et Magali Merle, Grasset, 2022 [1952]. [NdT]

[4] Issei immigrés Japonais vivant aux États-Unis. [NdT]

[5] Nisei Japonais de deuxième génération, nés aux États-Unis. [NdT]

[6] Durant la Seconde Guerre mondiale, la classe 4-F désignait aux États-Unis les hommes jugés « inaptes au service pour des raisons physiques, mentales ou morales » [NdT].