Les « fake news » sont plus graves que vous ne croyez
Il est assez facile de minimiser le problème posé par la prolifération des fake news. Après tout, la propagation de fausses informations, les théories du complot, le bourrage de crâne et les rumeurs ont toujours fait partie de la propagande politique. Ces phénomènes ne sont-ils pas des corollaires de l’extension de la démocratie, qui est le règne de l’opinion ? On aime aussi à rappeler, souvent en citant Hannah Arendt, que la posture de ceux qui parlent de « post-vérité » comme s’il y avait eu un régime antérieur où la vérité était respectée, trahit une mécompréhension des relations entre politique et vérité : la politique a sans doute besoin de vérité, mais celle-ci n’est pas essentielle, car elle relève de l’action et des choses humaines, qui sont fragiles et incertaines par nature, et non de la connaissance, à laquelle seule la science peut à la rigueur aspirer. Et d’ailleurs, comme disait Pilate, qu’est-ce que la vérité ? Toutes ces réactions déflationnistes vis-à-vis du phénomène des fake news me semblent ignorer l’ampleur et la gravité du phénomène. À mon sens, il a trois niveaux de gravité, par ordre ascendant.
Le premier niveau, le plus aisément repérable, est que les fake news sont des informations fausses, le plus souvent produites intentionnellement, donc des mensonges diffusés à une échelle inédite, qui sont l’équivalent, pour l’information, de la pollution des océans ou de l’atmosphère. Ce qui est nouveau est que cette masse de mensonges vise à tromper, non plus, comme autrefois, les gouvernements et les armées ennemies, mais l’ensemble de l’opinion publique, devenue elle-même une arme pour les belligérants de la cyberguerre. Cela menace l’exercice de la démocratie qui ne peut pas vivre sans un minimum de vérité et sans un certain seuil de confiance. La liberté d’opinion est un vain mot s’il n’est pas possible de contrôler si les opinions sont vraies ou fausses, et si le débat ne peut s’appuyer sur des faits. Mais paradoxalement ce déficit de