Pour en finir avec la croyance en l’universalisme littéraire français
Dans Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne, je m’attachais à déconstruire la représentation romantique de la littérature, et de l’art plus généralement, qui tend à établir une relation causale entre « le génie » et la reconnaissance sociale. Pour cela, je prenais pour objet d’étude les expériences littéraires des écrivains étrangers de langue française, en France. Plus précisément, à partir d’une pensée par cas chère à Jacques Revel et à Jean-Claude Passeron, je reconstruisais les trajectoires littéraires des écrivains algériens dits « francophones » que sont Kateb Yacine, Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Kamel Daoud et Boualem Sansal. Et de montrer que chacune d’entre elles, en cours ou achevée, avait été marquée par une consécration – soit un accès à la sacralité littéraire – ambivalente.
J’en concluais alors que la distinction, la célébration et le culte littéraires, offrant aux écrivains extra-européens de langue française une position privilégiée au sein du champ littéraire français, n’en demeurait pas moins une forme paradoxale de domination. Plus, j’affirmais que cette domination invisibilisée par le pouvoir sublimant des gratifications concédées par les pairs, les experts, les médias et le grand public, prenait appui sur un partage inégal de la valeur symbolique, profitant nettement aux écrivains perçus comme nationaux qui renforçaient la définition nationaliste du patrimoine littéraire français – tandis que les seconds, par leur simple existence, la déstabilisaient.
Dans le cadre du présent texte, je souhaiterais reprendre cette réflexion à nouveaux frais en éprouvant l’hypothèse selon laquelle l’affectation d’un écrivain et de son œuvre à une catégorie littéraire spécifique (littérature populaire, féminine, francophone, etc.) est sous-tendue par un processus discursif doté du pouvoir d’altérisation. Et dans le cas qui nous occupe, de racialisation. Dit d’une autre manière, les ambivalences de la reconnaissance observées seraient un ef