Economie

La Formation professionnelle n’a pas besoin d’un « Big Bang »

Économiste

Le projet de loi « Avenir professionnel » est arrivé à l’Assemblée Nationale le 29 mai. Il porte une réforme de la formation qui avait été saluée par Mathilde Lemoine dans les colonnes AOC. L’économiste se félicitait notamment du changement de logique pour s’adapter aux évolutions rapides des métiers. Le débat s’ouvre sur la meilleure façon de réduire l’inadéquation et l’obsolescence des compétences, et de lever les divers freins à la formation pour les personnes les moins qualifiées.

Dans un pays, le nôtre, où le capital scolaire initial fait figure de talisman et de sésame ad vitam (pour ses élites s’entend [1]) à l’instar des rentes et charges de l’Ancien Régime, il a fallu attendre 1971 pour que le législateur, dans la foulée d’un Accord National Interprofessionnel (ANI) signé par les partenaires sociaux, donne un cadre juridique à la Formation Professionnelle Continue (FPC). Celle-ci a été conçue comme un droit collectif cogéré par les branches professionnelles de manière paritaire, grâce aux bons soins de Jacques Delors, alors conseiller social du Premier Ministre Jacques Chaban Delmas, porteur d’ « une nouvelle société » [2]. C’est un projet d’inspiration personnaliste, attaché à l’éducation populaire – on parlera désormais d’éducation permanente – outil de promotion et d’épanouissement social comme de productivité. Sur ce socle et au rythme des ANI, 14 réformes de la FPC se sont succédé à ce jour jusqu’au Big Bang souhaité par la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, à travers le projet de loi pompeusement nommé « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

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La réforme Pénicaud a été récemment présentée par Mathilde Lemoine dans AOC comme « louable ». Elle permettrait même de sortir d’une logique « adéquationniste », c’est-à-dire uniquement tournée vers le besoin des entreprises et formant à des métiers en particulier. Pourtant, aucune réforme de la formation professionnelle n’a été à ce jour pénétrée à ce point de ladite logique adéquationniste.

Cette fois les préconisations des partenaires sociaux ont été en grande partie ignorées par le gouvernement, ce qui est une première.

Il faut ici rappeler que chacune d’elles, depuis 1971, a été précédée d’un Accord National Interprofessionnel signé par les partenaires sociaux – aussi bien salariés qu’employeurs – dont elles reprenaient sinon l’intégralité du moins la majeure partie des propositions. Ces accords, fruits d’un compromis entre partenaires sociaux, n’ont jamais ét


[1] Encore aujourd’hui, il suffit de constater l’investissement pathétique de l’Université française dans la Formation continue pour s’en assurer.

[2] Moment politique peu documenté, de droite et de gauche, voulant tirer les leçons de Mai 68.

[3] A cela s’ajoute-le fait que le document d’orientation et la feuille de route délivrés par le gouvernement aux partenaires sociaux – deux documents très pertinents dans leur diagnostic par ailleurs – n’envisageaient en aucun cas un big bang de la FPC. Les partenaires sociaux ont donc travaillé sur une base intéressante mais en vain. Dès l’ANI signé, la ministre du travail a regretté que n’y figure pas le dit « big bang » de la FPC. Un vrai jeu de dupes.

[4] Le Ministère du travail annonce une alimentation régulière fixée à 500 euros/an pour un plafond de 5000 euros.

[5] La monétarisation pénalise notamment les actifs les moins souvent en emploi : chercheurs d’emploi et actifs en en contrats précaires ( CDD, intérim…).

[6] La formation est un moyen (non une fin) qui permet de réaliser ou d’être autorisé à réaliser une activité. Les besoins de formation n’existent donc pas « hors sol » mais « en réponse à ». Par conséquent, c’est plutôt en emploi (en situation professionnelle) et non hors emploi que sont générés des besoins en formation professionnelle. Autrement dit : ce n’est pas la formation professionnelle qui mène à l’emploi mais l’emploi qui mène à la formation professionnelle.

Joseph Seité

Économiste, Haut fonctionnaire territorial

Notes

[1] Encore aujourd’hui, il suffit de constater l’investissement pathétique de l’Université française dans la Formation continue pour s’en assurer.

[2] Moment politique peu documenté, de droite et de gauche, voulant tirer les leçons de Mai 68.

[3] A cela s’ajoute-le fait que le document d’orientation et la feuille de route délivrés par le gouvernement aux partenaires sociaux – deux documents très pertinents dans leur diagnostic par ailleurs – n’envisageaient en aucun cas un big bang de la FPC. Les partenaires sociaux ont donc travaillé sur une base intéressante mais en vain. Dès l’ANI signé, la ministre du travail a regretté que n’y figure pas le dit « big bang » de la FPC. Un vrai jeu de dupes.

[4] Le Ministère du travail annonce une alimentation régulière fixée à 500 euros/an pour un plafond de 5000 euros.

[5] La monétarisation pénalise notamment les actifs les moins souvent en emploi : chercheurs d’emploi et actifs en en contrats précaires ( CDD, intérim…).

[6] La formation est un moyen (non une fin) qui permet de réaliser ou d’être autorisé à réaliser une activité. Les besoins de formation n’existent donc pas « hors sol » mais « en réponse à ». Par conséquent, c’est plutôt en emploi (en situation professionnelle) et non hors emploi que sont générés des besoins en formation professionnelle. Autrement dit : ce n’est pas la formation professionnelle qui mène à l’emploi mais l’emploi qui mène à la formation professionnelle.