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Le football capturé par l’image – pour en finir avec la VAR

Chercheur en sciences de l'information et de la communication

La VAR (assistance vidéo à l’arbitrage) est expérimentée cette année pour surveiller les matchs de la Coupe du monde. Si elle apparaît comme une technologie de pointe pour capturer les moindres mouvements des joueurs, est-elle vraiment à même de rendre l’arbitrage plus juste ?

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Comme toute grande nation, la Russie peut se penser éternelle. Elle peut aussi avoir à affronter des ironies que des retours sur l’histoire lui tendent parfois. Tels les reflets équivoques d’un miroir pas tout à fait aussi clair et pénétrant que la politique de la glasnost souhaitée par Mikhaïl Gorbatchev en 1986. C’est précisément un paradoxe, pour un pays fondé sur la culture du laconisme, l’expertise en cryptologie et les secrets d’État, que de déchirer son rideau pour l’« amour du sport ». Après les dispendieux JO de Sotchi aux 37 milliards d’euros de budget en 2014, le voici donc qui s’expose au monopole de la visibilité planétaire en accueillant la coupe du monde de football qui a débuté le 14 juin et qui s’achèvera le 15 juillet 2018.

La VAR comme puissance visible

Au cours de cette 21ème édition, la visibilité se traduit même en quantité et en symbole d’excellence technologique. Voire, usant d’une séduisante rhétorique marxiste, en un capital que Lavrenti Beria, chef tout puissant des services de sécurité de 1938 à 1953, aurait sans doute perçu comme une menace à l’exercice du pouvoir. En effet, à l’époque, voir ne consistait pas à être observé en retour. C’était même inenvisageable tant le premier cercle du Kremlin réuni autour de Staline maîtrisait l’espace et le temps, le soleil et la lune.

À l’inverse, ce trop-plein de clarté dû à l’expérimentation de l’assistance vidéo à l’arbitrage ou VAR (Video Assistant Referee) s’inscrit comme la qualité suprême du monde contemporain. Ce qui est vu et admis du plus grand nombre confine au vraisemblable et, par la même, « transporte une vérité du monde », pour reprendre l’expression de la sociologue Nathalie Heinich. La VAR assoit donc l’unique prestige des instances institutionnelles et politiques qui, par ce biais, donnent à voir et à promettre l’expression la plus diaphane du récit des matchs. Par extension, c’est toute l’organisation sportive et logistique de la compétition qui s’en trouve sublimée et


Jean-François Diana

Chercheur en sciences de l'information et de la communication, Maître de conférence en sciences de l'information et de la communication  à l'Université de Lorraine

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