Benalla, autopsie d’une fronde
On a déjà oublié. Et pourtant. Du 19 juillet, date de la dénonciation du Monde, au 31 juillet, vote des deux motions de censure à l’Assemblée, la « saga Benalla » a préempté l’espace public français. Google actualités n’identifie pas moins de 7 millions de références au cours de cette période et des enquêtes (contestées mais utiles) soulignent la concentration des tweets et autres bruits des réseaux. Affaire d’État, Watergate, cabinet noir, dérive monarchique, commissions d’enquête des deux chambres, auditions publiques télévisées, toutes les figures du scandale politique ont été agitées pour décrire la revanche de l’ancien monde, l’alliance des contre-pouvoirs, l’apocalypse de la Macronie.
Exit Benalla. Ainsi vengé, l’ancien monde va-t-il bientôt renaître, ou ne s’agit-il que d’un sursaut ? Coup pied de l’âne ou chant du cygne ? Crise de jeunesse du nouveau monde ou impuissance à gouverner ? À quelle aune évaluer l’épisode ?
Dynamique de l’accès ouvert
Tentons de l’analyser sous l’angle de ce qu’économistes et politologues appellent un ordre d’accès ouvert, autrement dit un cadre institutionnel structurant la dynamique entre économie de marché et démocratie représentative [1]. Dans un tel cadre, la politique est découplée de l’économie sous couvert de l’État de droit : chacun peut accéder à la propriété et créer des organisations. L’État veille au fonctionnement concurrentiel des marchés. Les citoyens sont égaux devant la loi dans une société où priment les relations impersonnelles, ce qui permet l’extension d’une couverture sociale unifiée, sans passe-droit. L’État encadre le recours à la force, c’est son rôle premier, mais de manière légale, institutionnalisée. L’affaire Benalla faisant entorse à ce principe, elle provoque légitimement un tollé.
Dans un ordre d’accès ouvert, le pouvoir politique est statutairement révocable au gré des coalitions de groupes d’intérêt. Lesquels se reconfigurent sans cesse sous l’effet de la concurrence dans l’économie,