Société

Pour le droit à la GPA

Juriste

Les opposants à la GPA occupent l’ensemble du spectre politique, depuis la gauche insoumise jusqu’aux partisans de la Manif pour tous, en passant par la gauche socialiste et la droite républicaine. Un étrange consensus fondé sur une commune détestation du libéralisme, qu’il soit économique, politique ou social. La gestation pour autrui serait indéfendable, et ne mériterait donc même pas discussion ?

L’usage des termes tels que « location des ventres », « esclavage », « marchandisation du corps », « vente d’enfants », « pratique eugéniste », « volonté aliénée », « bébés à la carte » ou « enfants génétiquement modifiés » mettent en évidence une stratégie discursive consistant à soustraire de la délibération démocratique la régulation de la GPA, laquelle ne mériterait que condamnation et anathème.  Inscrite dans la longue controverse sur le droit de l’individu à disposer de son corps, la GPA fait l’objet d’un inquiétant consensus négatif aussi bien politique qu’académique. Contrairement à une croyance répandue selon laquelle nous vivons dans une époque d’hyper-individualisme, ce n’est pas la personne qui dispose de sa vie et de son corps mais bel et bien l’État.

L’euthanasie est pénalement sanctionnée, le don d’organe après la mort est présumé et nous ne pouvons pas disposer librement de notre cadavre ni même de nos cendres : l’ordre public le veut ainsi… Égarés dans le labyrinthe des rapports du Comité d’éthique, du Conseil d’Etat, de l’Agence de la Biomédecine, de l’Office Parlementaire d’évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et d’autres interventions expertales, nous risquons de perdre de vue l’idéologie sous-jacente du dispositif bioéthique français, en particulier lorsqu’il s’agit de penser (ou à vrai dire de ne pas penser) la GPA. Unique au monde, il véhicule à la fois une vision particulièrement pessimiste de l’individu, de la science et du marché et un fétichisme de l’ordre naturel, vision partagée par la gauche post-moderne et la droite conservatrice, allant de l’écologie politique à la conférence épiscopale.

La poursuite de l’intérêt individuel est jugée responsable du délitement du lien social. Le progrès scientifique est dénoncé comme soif effrénée de connaissance menant à l’aliénation de l’homme (voire son anéantissement) et l’économie de marché n’est appréhendée que sous l


[1] Avis n° 110 du CNCE, 2010.

[2] Proposition de loi n° 234 tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui 27 janvier 2010

[3] Michel Onfray voit dans la gestation pour autrui le symbole de l’inégalité entre les plus aisés et les plus modestes : «Au nom de l’égalité, nous allons vers la prolétarisation des utérus des femmes les plus pauvres».

[4] Proposition de loi n° 201 visant à lutter contre le recours à une mère porteuse.

[5] Proposition de loi de Valérie Boyer.

[6] Voir notamment les travaux de Jacques Ellul (1912-1994) et Ivan Illich (1926-2002).

[7] « Un pas de plus dans la marchandisation de l’humain » selon le leader de la France Insoumise,

[8] A. Supiot, Homo Juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Seuil, 2005, p. 80.

[9] « Une mère porteuse raconte comment elle a porté les enfants de deux couples de Français » : https://www.huffingtonpost.fr/2015/06/19/mere-porteuse-raconte-comment-elle-a-porte-enfants-de-deux-couples_n_7591864.html

Daniel Borrillo

Juriste, Maître de conférences à l'Université Paris-Nanterre

Notes

[1] Avis n° 110 du CNCE, 2010.

[2] Proposition de loi n° 234 tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui 27 janvier 2010

[3] Michel Onfray voit dans la gestation pour autrui le symbole de l’inégalité entre les plus aisés et les plus modestes : «Au nom de l’égalité, nous allons vers la prolétarisation des utérus des femmes les plus pauvres».

[4] Proposition de loi n° 201 visant à lutter contre le recours à une mère porteuse.

[5] Proposition de loi de Valérie Boyer.

[6] Voir notamment les travaux de Jacques Ellul (1912-1994) et Ivan Illich (1926-2002).

[7] « Un pas de plus dans la marchandisation de l’humain » selon le leader de la France Insoumise,

[8] A. Supiot, Homo Juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du Droit, Seuil, 2005, p. 80.

[9] « Une mère porteuse raconte comment elle a porté les enfants de deux couples de Français » : https://www.huffingtonpost.fr/2015/06/19/mere-porteuse-raconte-comment-elle-a-porte-enfants-de-deux-couples_n_7591864.html