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Rio : une forêt brûlée repousse, pas un musée

Anthropologue

L’incendie qui a ravagé le Musée national de Rio de Janeiro a fait disparaître des trésors d’une importance capitale au plan ethnographique mais aussi politique. Au Brésil, pays riche d’une incroyable diversité ethnique, le sinistre a emporté les racines de peuples entiers, tout autant que les preuves matérielles de leurs inscriptions territoriales. La perte de ce patrimoine est aussi la perte des garanties des droits des Amérindiens.

« Il y a des périodes ici, au village, où il y a des incendies. La forêt brûle, le feu dévaste tout. Sauf que, la forêt, laissée à elle-même, renaît. C’est différent pour un musée : un musée est très fragile ». L’institutrice Glicéria Jesus da Silva, 36 ans, amérindienne Tupinambá du village de Serra do Padeiro, au sud de l’Etat de Bahia, confesse qu’elle peine encore à réaliser que l’incendie a dévasté le Musée national, où les travaux pour rénover le bâtiment viennent d’être entamés.

La mission de sauvetage de la collection endommagée n’a pas encore commencé, mais deux objets fabriqués par les Tupinambá figurent parmi les seules pièces de la collection amérindienne sauvées de l’incendie. Elles ont été fabriquées pour l’exposition Les premiers Brésiliens (Os Primeiros Brasileiros) et sont maintenant exposées au Mémorial des Peuples Amérindiens (Memorial dos Povos Indigenas), à Brasilia. Il s’agit d’un jequi, piège à pêche fait de lianes, et d’une réplique des précieuses capes de plumes d’ibis écarlates que portaient les pajés (chamanes), deux objets emportés par des voyageurs européens, au début de la colonisation, comme cadeaux pour les monarques et les nobles.

En plus de participer à la réalisation de ces objets – donnant ainsi un bel exemple des efforts de collaboration mis en place entre les peuples amérindiens et le Musée national avant l’incendie –, Glicéria s’est rendue deux fois au musée, en 2015 et 2016. Invitée à participer à des rencontres universitaires, elle en a profité pour parcourir les expositions et pour visiter la réserve technique du Musée. De là, elle a rapporté une caisse de livres pour la bibliothèque de l’école de son village. « Ce qui s’est passé est un crime contre l’humanité, contre les chercheurs, les enseignants, les étudiants, un crime contre la terre elle-même et ses premiers habitants ».

Depuis 2010, je mène des recherches sur les Tupinambá. Je suis doctorante en anthropologie sociale, ayant rejoint le programme de troisième cycle d


[1]Terra indígena : territoires autochtones délimités par l’Etat fédéral brésilien et dont l’occupation est en principe réservée aux seuls Amérindiens.

Daniela Fernandes Alarcon

Anthropologue, Université fédérale de Rio de Janeiro

Notes

[1]Terra indígena : territoires autochtones délimités par l’Etat fédéral brésilien et dont l’occupation est en principe réservée aux seuls Amérindiens.