Politique

Robert Faurisson, iconoclaste et antisémite

Historien

On voit souvent les fake news comme une invention de notre modernité 2.0. La mort de Robert Faurisson (1929-2018) nous rappelle à point nommé qu’il n’en est rien. Bien avant l’invention des réseaux sociaux, il était possible de produire un effet puissant sur la sphère publique en diffusant, avec des moyens limités, une fausse information.

 

 

Dans une lettre retentissante publiée de guerre lasse par Le Monde en décembre 1978, celui qui était alors maître de conférence en littérature à l’université de Lyon II affirmait que les chambres à gaz, qui symbolisaient plus que toute autre chose le génocide des juifs, n’avaient pas existé et, partant, que le génocide lui-même était une invention. Comble de cynisme et d’indécence, l’auteur ajoutait que c’était là « une bonne nouvelle pour l’humanité ». Depuis lors, le mensonge a fait flores, sinon en Europe occidentale, du moins au Moyen-Orient : un quart de siècle plus tard, en décembre 2006, Faurisson fut l’invité d’honneur de la grande conférence négationniste organisée par l’Iran, un pays qui l’honora six ans plus tard d’un prix, remis par le président iranien en personne, Mahmoud Ahmadinejad, « honorant le courage, la résistance et la combativité » du vieux négationniste. Dans le mensonge aussi, il est donc après tout possible de faire carrière et d’avoir eu une vie réussie selon les critères qu’on s’était choisi.

Faurisson n’était pas le premier à soutenir publiquement un tel non-sens, et il ne sera assurément pas le dernier. Il avait été précédé en la matière par Paul Rassinier (1906-1967), un militant socialiste déporté à Buchenwald et Dora pour fait de résistance qui, quelques années après la guerre, s’était mis à douter lui-aussi de l’existence de ce moyen perfectionné de mise à mort qui n’était pas employé dans les camps où il avait été emprisonné et où il avait souffert. Son Mensonge d’Ulysse, en 1950, fit scandale, mais c’est surtout la série d’ouvrages publiés dans les années soixante qui lui permit, grâce au renfort de l’extrême droite, en particulier de Maurice Bardèche, de devenir le « père fondateur » du « révisionnisme ». À la mort de Rassinier, avec lequel il avait été en contact, Faurisson reprit bientôt le flambeau. Au-delà de ses accointances idéologiques et de son très probable antisémitisme, c’est sans doute une puissante appétence icon


Bibliographie : Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Paris, Seuil, 2005 [1981] ; Nadine Fresco, La mort des juifs, Paris, Seuil, 2008 ; Valérie Igounet, Robert Faurisson. Portrait d’un négationniste, Paris, Denoël, 2012 ; Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000 ; Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Paris, Fayard, 1996 ; Henry Rousso, Le dossier de Lyon III, Paris, Fayard, 2004

Florent Brayard

Historien, Directeur de recherche au CNRS, Centre de recherches historiques

Rayonnages

Politique

Notes

Bibliographie : Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Paris, Seuil, 2005 [1981] ; Nadine Fresco, La mort des juifs, Paris, Seuil, 2008 ; Valérie Igounet, Robert Faurisson. Portrait d’un négationniste, Paris, Denoël, 2012 ; Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000 ; Florent Brayard, Comment l’idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Paris, Fayard, 1996 ; Henry Rousso, Le dossier de Lyon III, Paris, Fayard, 2004