Justice

Une Justice indépendante, pour quoi faire ?

Magistrate

Lors de chaque affaire « politico-judiciaire » les soupçons rejaillissent sur une justice accusée d’être aux ordres du pouvoir en place. La méfiance vis-à-vis des juges est ancienne et si l’on ne parvient pas à la surmonter c’est que le politique entretient volontairement l’ambiguïté entre son désir affiché d’une justice indépendante, et sa volonté réelle de garder la main au nom de la politique pénale.

Les récents démêlés politico judiciaires du parti de La France Insoumise et la réaction « insoumise » de son leader Jean-Luc Mélenchon, lors des perquisitions diligentées par le parquet de Paris dans le cadre de deux enquêtes préliminaires portant sur les comptes de campagne de l’élection présidentielle et sur l’emploi détourné d’assistants parlementaires européens, ont réactivés l’éternel soupçon d’une justice aux ordres du politique. À écouter les protagonistes tous les ingrédients étaient réunis : un calendrier choisi avec le remaniement du gouvernement, un nouveau procureur de Paris choisi sur mesure par Matignon et l’Élysée (bien que pas encore installé) et un déploiement de policiers qui participerait d’une mise en scène digne des films du grand banditisme.

Mais l’attitude violente de Jean-Luc Mélenchon, révélée par sa propre vidéo, et celle de ses équipes, diffusées sur les réseaux sociaux, à l’égard des policiers et du magistrat du parquet devaient rapidement éclipser cette critique pour laisser place à une condamnation quasi unanime de son attitude jugée peu respectueuse des institutions républicaines. L’incident passé et l’auteur vilipendé pouvait-on pour autant considérer que la critique de la justice politisée était balayée dans ce bruit médiatique ? Il n’en est pas certain, au contraire même au regard du processus judiciaire qui devrait s’engager sur un temps long et laisser l’occasion à de nombreux autres rebondissements.

D’abord, il est souhaitable, même si le parquet général de Paris est monté au créneau le 20 octobre 2018 pour justifier les choix procéduraux de ne pas ouvrir une information judiciaire, de poursuivre le débat sur notre parquet à la française. Les lois successives, et la dernière en cours devant le Parlement, en ont fait le pivot des poursuites et des enquêtes dans notre système judiciaire. Il serait donc contreproductif de se ranger derrière l’argument d’autorité et de conclure « circulez il n’y a rien a voir ».

En France, il y a eu


Béatrice Brugère

Magistrate, Secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats, Vice-procureur de la République au TGI de Paris