La sombre affaire Kashoggi
Comme toute affaire digne de ce nom, l’exécution de Jamal Khashoggi combine des enjeux politiques, de fortes résonances imaginaires et symboliques, et peut produire de nouvelles lignes de partage. La représentation macabre du corps supplicié et démembré dans le sous-sol d’une ambassade, et celle du bourreau à la fête avec ses écouteurs ont soulevé partout révulsion et scandale.

La violence primitive d’État, réplique insupportable d’une scène mafieuse (ou d’un châtiment moyenâgeux) s’est accompagnée dans un premier temps d’un chantage pour le moins arrogant, suivi d’un silence interminable, puis d’une série de récits plus grossiers les uns que les autres qui ont mis crument en évidence des marchandages et des intérêts systémiques. Les palinodies de Trump et l’alignement lamentable des affidés arabes ne sont pas moins significatifs. Une chose est sûre, quelles que soient les révélations à venir et les aboutissements politiques, le mal est fait. On peut estimer que pour l’opinion, où qu’elle soit, la morbidité et l’archaïsme improbables de l’affaire relèvent de la psychopathologie politique .
Alors que le calvaire du Yémen – guerre, famine, épidémies à grande échelle, camps de réfugiés – n’a pour ainsi dire soulevé que l’indifférence générale ; et que le Moyen-Orient est depuis des lustres le nom du désastre et le laboratoire de toutes les dystopies, cette actualité a marqué les esprits. C’est que l’épisode tient à la fois du conte cruel et de la fable politique, mais chaque acteur s’y révèle pour ce qu’il est véritablement. De plus, tout tourne autour de l’information. Sans parler du caractère singulièrement choquant (gore), de l’exécution elle-même – une scène d’autant plus marquante que manquante, comme le corps de la victime – il y va de la défense corporative des journalistes.
Un prince contre-moderne qui utilise les techniques de la modernité pour mieux la combattre au plan politique.
Lesquels journalistes avaient été précédemment convoqués pour célébrer un chan