Les corps politiques d’Emmanuel Macron
Pour l’anniversaire de l’exécution de Louis XVI, le président Macron n’a pas hésité à imputer à l’absence de réformes [1] le cruel destin du citoyen Capet. Il répondait ainsi à l’introduction d’une passion habituellement refoulée dans la langue républicaine (égalité, liberté et fraternité), la haine. Celle-ci pourtant n’est qu’un affect des corps politiques dévorés par les passions comme Frédéric Lordon sait les mettre en scène à l’aide de Spinoza.
Le président ne veut répondre à la passion que par la réforme mais ce qui est en jeu est bel et bien une affaire de corps. Le monstre froid de l’État ou la magnificence des souverains n’échappent pas à une incorporation comme le rappelait il y a peu un historien des rois de France. La haine est donc indissociable du corps que deux philosophes politiques, Deleuze et Guattari, ont introduit dans la socioanalyse. Cette méthode un peu oubliée considérait que le pouvoir politique et économique se redoublait par exemple de l’oppression phallique. Le patron et le père de famille sont par exemple des corps sociaux et individuels inscrits dans un ordre étatique et sexué. Ces corps suscitent comme ils interdisent le désir.
La socioanalyse n’excluait pas un choix politique et on pouvait le simplifier en opposant un corps plein sans organes où le désir n’a pas sa place, à des énergies libidinales et politiques individuelles. A priori le mouvement proliférant et moléculaire des Gilets Jaunes s’associe assez bien à l’énergie désirante et révolutionnaire prônée par les deux philosophes férus de psychanalyse. Ces machines désirantes [2] et « jaunes » participent, dans le schéma de la schizo-analyse [3], de logiques « territorialisantes », c’est-à-dire de fixation dans des niches de résistance et de singularité, utilisant avant l’heure la notion d’un autre pays du territoire face à une géographie mondialisée et hors sol.
Le dépassement des organisations par le corps sans organes concorderait assez bien au contournement jupitéri