Politique

Les corps politiques d’Emmanuel Macron

Économiste et politiste

En expliquant à des patrons étrangers conviés le 21 janvier dernier à Versailles que Louis XVI aurait perdu la tête pour n’avoir pas su réformer la France, Emmanuel Macron invite à s’interroger sur la place du corps – celui du souverain mais aussi le corps social, politique… – en pleine crise des Gilets Jaunes.

Pour l’anniversaire de l’exécution de Louis XVI, le président Macron n’a pas hésité à imputer à l’absence de réformes [1] le cruel destin du citoyen Capet. Il répondait ainsi à l’introduction d’une passion habituellement refoulée dans la langue républicaine (égalité, liberté et fraternité), la haine. Celle-ci pourtant n’est qu’un affect des corps politiques dévorés par les passions comme Frédéric Lordon sait les mettre en scène à l’aide de Spinoza.

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Le président ne veut répondre à la passion que par la réforme mais ce qui est en jeu est bel et bien une affaire de corps. Le monstre froid de l’État ou la magnificence des souverains n’échappent pas à une incorporation comme le rappelait il y a peu un historien des rois de France. La haine est donc indissociable du corps que deux philosophes politiques, Deleuze et Guattari, ont introduit dans la socioanalyse. Cette méthode un peu oubliée considérait que le pouvoir politique et économique se redoublait par exemple de l’oppression phallique. Le patron et le père de famille sont par exemple des corps sociaux et individuels inscrits dans un ordre étatique et sexué. Ces corps suscitent comme ils interdisent le désir.

La socioanalyse n’excluait pas un choix politique et on pouvait le simplifier en opposant un corps plein sans organes où le désir n’a pas sa place, à des énergies libidinales et politiques individuelles. A priori le mouvement proliférant et moléculaire des Gilets Jaunes s’associe assez bien à l’énergie désirante et révolutionnaire prônée par les deux philosophes férus de psychanalyse. Ces machines désirantes [2] et « jaunes » participent, dans le schéma de la schizo-analyse [3], de logiques « territorialisantes », c’est-à-dire de fixation dans des niches de résistance et de singularité, utilisant avant l’heure la notion d’un autre pays du territoire face à une géographie mondialisée et hors sol.

Le dépassement des organisations par le corps sans organes concorderait assez bien au contournement jupitéri


[1] Evoquant Louis XVI et Marie-Antoine, devant des chefs d’entreprises à Versailles le 21 janvier, Emmanuel Macron a estimé que « S’ils ont connu une telle fin, c’est parce qu’ils ont renoncé à réformer ».

[2] Le désir relève de l’agencement matériel des rapports effectifs de production sociale, dont Marx permet la critique politique. Ainsi, le désir n’est pas un flux indifférencié, mais l’agencement de ce flux. Il est donc construit, résultat d’une production sociale, ce qu’indique l’expression « machine désirante ».

[3] Voir Brian Massumi. Après avoir été professeur à l’Université de Montréal, Brian Massumi est désormais un chercheur autonome consacrant son temps à l’écriture et aux projets de l’Institut des Trois Écologies, qui a succédé au SenseLab. Traducteur de Mille Plateaux de Deleuze et Guattari en anglais, il a joué un rôle central dans la diffusion de leur pensée avec son ouvrage devenu classique A User’s Guide to Capitalism and Schizophrenia: Deviations from Deleuze and Guattari (MIT Press, 1992).

[4]  « Le CsO n’est pas avant l’organisme, il y est adjacent, et ne cesse pas de se faire » (Deleuze & Guattari, 1980, p.202), de même que le virtuel n’est pas antérieur, mais contemporain de l’actualisation. Cela explique la prudence éthique dont font montre Deleuze et Guattari.

[5] « La vérité, c’est que ma nomination à ce poste, ça a fait chier beaucoup de gens, lâche-t-il au Monde. Parce qu’un gamin de 25 ans qui n’a pas fait l’ENA, qui n’est pas sous-préfet […], et en plus qui dit les choses là où il n’y a que des non-dits, évidemment, ça suscite des rancœurs. » « On a essayé de m’atteindre, de me tuer, et c’était l’opportunité aussi d’atteindre le président de la République. […] Je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant : Ça y est, on est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c’est fini », renchérit-il. Pour Benalla, les gens qui ont sorti l’information sont « 

Olivier Vallée

Économiste et politiste, Chercheur indépendant

Notes

[1] Evoquant Louis XVI et Marie-Antoine, devant des chefs d’entreprises à Versailles le 21 janvier, Emmanuel Macron a estimé que « S’ils ont connu une telle fin, c’est parce qu’ils ont renoncé à réformer ».

[2] Le désir relève de l’agencement matériel des rapports effectifs de production sociale, dont Marx permet la critique politique. Ainsi, le désir n’est pas un flux indifférencié, mais l’agencement de ce flux. Il est donc construit, résultat d’une production sociale, ce qu’indique l’expression « machine désirante ».

[3] Voir Brian Massumi. Après avoir été professeur à l’Université de Montréal, Brian Massumi est désormais un chercheur autonome consacrant son temps à l’écriture et aux projets de l’Institut des Trois Écologies, qui a succédé au SenseLab. Traducteur de Mille Plateaux de Deleuze et Guattari en anglais, il a joué un rôle central dans la diffusion de leur pensée avec son ouvrage devenu classique A User’s Guide to Capitalism and Schizophrenia: Deviations from Deleuze and Guattari (MIT Press, 1992).

[4]  « Le CsO n’est pas avant l’organisme, il y est adjacent, et ne cesse pas de se faire » (Deleuze & Guattari, 1980, p.202), de même que le virtuel n’est pas antérieur, mais contemporain de l’actualisation. Cela explique la prudence éthique dont font montre Deleuze et Guattari.

[5] « La vérité, c’est que ma nomination à ce poste, ça a fait chier beaucoup de gens, lâche-t-il au Monde. Parce qu’un gamin de 25 ans qui n’a pas fait l’ENA, qui n’est pas sous-préfet […], et en plus qui dit les choses là où il n’y a que des non-dits, évidemment, ça suscite des rancœurs. » « On a essayé de m’atteindre, de me tuer, et c’était l’opportunité aussi d’atteindre le président de la République. […] Je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant : Ça y est, on est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c’est fini », renchérit-il. Pour Benalla, les gens qui ont sorti l’information sont «