Restituer, dès demain, dès maintenant
Il faut restituer les œuvres africaines arrivées dans les musées européens par la violence de la colonisation. En France, cela semble dorénavant une évidence dans le monde de la culture – du moins pour la partie « création » de ce monde : les actrices et les acteurs de « l’art en train de se faire » ont accusé réception du Rapport de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr publié le 23 novembre 2018, c’est peu de le dire, et depuis, dans tous les échanges sur le sujet, il est affirmé que ces restitutions doivent avoir lieu sans tarder, dès demain, dès maintenant. Ce mouvement des actrices et acteurs de la création en faveur des restitutions est soudain, comme si une foule se réveillait subitement d’un trop long sommeil.
Il n’est pourtant pas surprenant : les artistes, les curatrices et curateurs, les directrices et directeurs d’écoles supérieures d’art, de centres d’art et autres structures d’invention, de production et de diffusion de l’art en train de se faire, toutes et tous semblent avoir saisi instantanément de quoi il s’agissait. Elles·ils ont compris ce que sont les objets dont il est question, précisément ; elles·ils ont vu ce à quoi ces objets peuvent servir et ont su par quels territoires et sociétés ils sont appelés.
Il faut dire d’abord que ces actrices et acteurs de la création connaissent mieux que quiconque, grâce à leur travail quotidien, la part « morale » du droit d’auteur qui fait qu’une œuvre reste toujours propriété de son créateur : on n’expose pas une œuvre sans en avertir son auteur ; on ne prend pas la parole pour un artiste sans le consulter ; on ne détourne pas le propos d’un objet artistique ; et, s’il fut pensé pour cela et pour produire ceci, il doit être mis en situation de cela pour produire ceci. Elles·ils savent qu’un objet doté d’intentions artistiques ne peut être banal – réductible à du patrimoine comme on dit « patrimoine » chez le notaire ou dans un cours d’économie, pour indiquer le capital d’un héritier fortuné ou d’un pro