Société

L’inquiétante biologisation de la filiation

Avocate

L’actuel débat autour des lois de bioéthique tend à présenter comme « naturel » la nécessité pour un individu de connaître ses origines biologiques. De cette exigence est née l’idée d’un droit à l’accès aux origines. Mais, outre la violence symbolique sur celles et ceux qui n’en ont pas la possibilité, ou l’envie, cette biologisation de la filiation est révélatrice d’une évolution inquiétante de certains choix de société.

Actuellement, l’anonymat du don de gamètes est la règle pour toutes les parties en cause, donneur, receveur et enfant.

Si le principe de l’anonymat des dons a longtemps posé assez peu question, ce principe est aujourd’hui radicalement remis en cause, à tel point que pour le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) « la réflexion sur l’accès aux origines des enfants nés par une procédure d’AMP avec tiers donneur est considérée comme indispensable ».

Dans son dernier avis du mois de septembre 2018, le CCNE va plus loin encore et préconise « que soit rendu possible la levée de l’anonymat des futurs donneurs de sperme, pour les enfants issus de ces dons, afin notamment qu’ils puissent construire leur identité ».

Il semble aujourd’hui communément admis d’affirmer qu’une personne qui ne connaîtrait pas ses origines biologiques se trouverait dans l’impossibilité de se construire. À cet égard, la violence des formules énoncées, tant dans le champ médiatique que par les experts, (psychiatres, psychanalystes, associations, travailleurs sociaux), et par les individus directement concernés (nés d’un don de gamètes ou adoptés) en dit long sur le malaise actuel, tant il semble acquis qu’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir qui l’on est.

Ainsi, pour ceux qui ignoreraient leurs origines, la menace serait grande, et les mots utilisés pour la décrire sans appel : « Enfant de personne », « victimes d’un secret pathogène »,  « ayant un trou dans leur histoire »,  « non-dit sur l’origine et l’histoire (qui) empêche tout simplement l’enfant de penser et inaugure un destin de souffrance », « si les secrets de famille ne sont pas tous pathogènes, les secrets sur les origines le seront le plus souvent », « tromperie qui peut rendre fou ». Et les formules saisissantes : « À l’origine, il ne se peut pas qu’il n’y ait RIEN ». « Peut-on naître de rien sans n’être rien ? Nous sommes convaincus que cette loi folle (l’accouchement sous x, NdA) crée des de toutes pièces des situations folles ».

Pourtant, considérer automatiquement ceux qui ne connaissent pas leurs origines comme des êtres sans histoire, incomplets, condamnés à errer en quête d’identité sans jamais pouvoir se construire, ne va pas de soi, et mettre en place un droit systématique à l’accès aux origines pose question. On ne peut évidemment que comprendre l’expression d’un questionnement existentiel, d’une quête des origines, voire pour certains une souffrance ; toutefois il existe de nombreux facteurs sociaux, politiques, culturels, qui ont favorisé la revendication d’un droit fondé sur la biologie, reflet de l’obsession de notre société sur les origines.

Comment sommes-nous passés d’un questionnement personnel et intime, à une injonction sociale communément partagée, de nature à revendiquer un droit ?

Loin de se limiter au besoin de connaître ses origines biologiques, cette demande porte une signification plus profonde, et induit un rapport spécifique à des questions sociétales plus larges, notamment en matière de filiation, et d’adoption. C’est ainsi une certaine manière d’envisager le monde qui se dessine. Comment sommes-nous passés d’un questionnement personnel et intime, à une injonction sociale communément partagée, de nature à revendiquer un droit ? Et a fortiori un droit fondé sur le biologique ?

Pour comprendre cette évolution, il semble nécessaire de réinscrire cette question de l’origine dans un contexte plus général. Car si le modèle « biologique » est certes le plus courant, le droit n’a jamais fondé les liens de filiation sur la seule biologie, contrairement à une opinion communément répandue. En réalité quasiment aucun système n’a fondé la filiation sur les seuls liens du sang.

Si l’on prend le cas du mariage, le système de filiation paternel établi par le Code civil repose sur la présomption de paternité. L’article 312 du Code civil prévoit que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ». Autrement dit, le père est le mari de la femme qui a enfanté, et ce quelle que soit la réalité biologique, qu’il soit ou non le géniteur. Ainsi, dans notre système juridique, la filiation a très peu à voir avec la nature et encore moins avec la biologie. À cet égard, l’étude de la jurisprudence antérieure aux années 1950 montre bien comment la justice privilégie alors la filiation choisie, contractuelle, en considérant que ce choix est un choix « privé », se fondant notamment sur la notion de possession d’état, c’est à dire sur la théorie de l’apparence. La possession d’état de père ou de mère est le fait de s’être comporté comme tel.

Rompant avec cette interprétation, les années d’après-guerre vont favoriser un processus inverse, au terme duquel l’état privilégie la maternité, en particulier la figure de la mère, entendue comme donnant naissance. S’amorce alors un tournant, matérialisé par la loi de 1966 sur l’adoption et dont le point d’orgue sera la réforme du droit de la famille de 1972. On assiste alors au retour du « vrai ». Marcela Iacub, parle d’une « réorganisation de la famille autour de la vérité de l’accouchement » et invoque une véritable « police de la maternité, qui au prétexte de traquer quelques faits marginaux, a en réalité transformé la définition de la maternité et contesté ce que les rédacteurs du Code civil entendaient laisser s’organiser dans la paix des familles ».

Dans les années 80, avec la mise au point des premières techniques de PMA, (le premier bébé éprouvette en France nait en 1982), émerge dans le débat public la question du « droit à l’enfant », avec l’idée sous-jacente que ce droit pourrait s’imposer au détriment d’une procréation « naturelle ». Dans le même temps, ces techniques vont pourtant contribuer à la primauté du biologique puisqu’il est désormais plus facile, grâce à la science, d’avoir un enfant de son sang et portant ses gènes, au moins en partie.

À peu près au même moment, le traitement médiatique et social de l’adoption internationale change progressivement. Or l’adoption est un excellent indicateur de notre conception de la famille et des rapports de filiation à un moment donné. À partir de ces années, médias, ONG, structures associatives, milieux « psy », et travailleurs sociaux dénoncent sans nuance les difficultés voire les échecs de l’adoption. Ils les expliquent largement par la rupture des liens avec les « racines » et les « origines ». La parole d’enfants adoptés devenus adultes pèse alors dans le débat. Ceci contribue à construire un archétype de l’adopté comme un être forcément arraché à son milieu, déraciné, car coupé de ses origines, selon un mythe naturaliste pour qui « tout arbre doit avoir des racines » et soumis aux aléas d’une « greffe qui prend ou ne prend pas ».

Ce mythe du biologique est aujourd’hui si prégnant, que même les juridictions ne sont pas épargnées.

En faisant de l’adoption un mode de filiation à part, cette vision clivée pèse non seulement sur l’image de l’adoption mais également sur les familles adoptives, et crée une opposition entre les filiations fondées sur l’engendrement et les filiations choisies. À la filiation « biologique », « vraie », « traçable » et « transparente », s’opposerait la filiation « élective » mais « fictive », donc « fausse » et « cachée ». Il est clair que ce phénomène de primat du biologique va contribuer à une dégradation du regard porté sur l’adoption, ayant pour conséquence la diminution massive des adoptions, tant en France qu’au plan international, et va inciter à remettre en cause l’adoption plénière. [1]

Ce mythe du biologique est aujourd’hui si prégnant, que même les juridictions ne sont pas épargnées. De nombreuses décisions de justice réduisent ainsi l’intérêt de l’enfant à son seul lien biologique, au mépris de la règle de droit et de l’intérêt réel de l’enfant. Je citerai une décision rendue dans un cas d’abandon sous X, dans laquelle la Cour d’Appel de Paris n’a pas hésité à considérer que l’intérêt d’un enfant abandonné était de vivre avec ses grands parents biologiques (maternels) et non d’être adopté, et ce en dépit de l’accouchement sous X de la mère de naissance.

Ce qui est intéressant dans ce cas n’est pas la solution retenue par les juges mais leur raisonnement. Les juges se fondent sur l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il a été posé en principe par la convention de New York du 20 novembre 1989, aux termes de laquelle l’enfant bénéficie de droits fondamentaux, à savoir « le droit (…) de connaître ses parents et d’être élevé par eux » (article 7-1). Ils omettent que l’article de ladite convention précise avec un certain bon sens, « si possible ». Les juges se réfèrent ensuite au code de l’action sociale et des familles (l’article L112-4) qui reprend les principes de la convention internationale « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes les décisions le concernant ».

Or la Cour d’Appel interprète ces textes pour déduire que : « le droit de connaître son histoire et ses racines s’intègre donc dans les droits fondamentaux reconnus à l’enfant (…) sans pouvoir occulter la réalité biologique qui établi que les époux O. étaient les grands-parents de l’enfant (…) qui seront qualifiés pour affronter les questions légitimes que se pose tout enfant adopté sur ses origines, ayant dans les faits, une connaissance approfondie de la réalité (…) ». Force est de constater que la notion d’intérêt de l’enfant est ici rabattue sur le seul facteur génétique et sur une « réalité » pour reprendre les termes de la décision, uniquement biologique, alors même que les juges reconnaissent que « dans cette affaire, la réalité factuelle et la vérité biologique s’opposent à la logique juridique ».

Le paradoxe ne s’arrête pas là puisque lorsqu’il s’agit de confier l’enfant à ses grands-parents maternels, les juges estiment que la réalité biologique ne peut être occultée. En revanche lorsqu’il s’agit d’aller à l’encontre de la volonté de la mère de naissance qui a accouché sous X, afin que son enfant puisse être adopté, les juges lui dénient tout droit sur cet enfant, au motif qu’ayant accouché sous X, elle n’a plus de lien avec lui !

On voit dès lors très bien quelle imagerie naturaliste sous tend un tel raisonnement pour conclure que le lien de parenté est avant tout génétique. En bref, être parent c’est avoir le même ADN, ce qui justifie la torsion de tous les raisonnements. La Cour aurait très bien pu rendre une décision identique mais en se fondant sur une analyse factuelle de la situation de l’espèce, qui aurait pris en compte l’intérêt  in concreto de l’enfant. Autrement dit, expliquer en quoi, il était dans ce cas précis, de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses grands parents plutôt que d’être adopté.

Mais peut-être que cela n’aurait tout simplement pas été possible car tel n’était pas l’intérêt de l’enfant, de sorte qu’il était bien plus simple de couper court à toute discussion en se fondant sur la réalité génétique. Il est intéressant de savoir que, dans ce cas précis, le Conseil général estimait à l’inverse que l’adoption devait être privilégiée, car la famille était divisée, que l’enfant serait confronté à l’image d’une mère qui l’a rejeté, que l’enfant ne connaissait pas ses grands parents, ces derniers étant en grande souffrance, ce qui ne lui permettra pas de se construire.

Le type de raisonnement donnant la primauté aux origines est prépondérant dans les milieux de l’adoption.

Une autre décision éclairante, a été rendue en 2016 par la Cour d’Appel de Dijon dans un cas de gestation pour autrui (GPA) aux États-Unis. Le père « biologique » de l’enfant avait saisi les tribunaux pour que son mari puisse adopter leur enfant ; la demande portait sur une adoption simple. Pour rejeter la demande en adoption, le raisonnement particulièrement sinueux de la cour est le suivant : « Son consentement initial (de la mère de naissance, NdA), dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, privé de portée juridique son consentement ultérieur à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché, un tel consentement ne pouvant s’entendre, sauf à représenter un détournement de la procédure d’adoption – et sachant que rien ne peut altérer le fait d’une maternité biologique – que comme celui d’une mère à renoncer symboliquement et juridiquement à sa maternité dans toutes ses composantes et en particulier dans sa dimension subjective ou psychique ».

Autrement dit, les juges reconnaissent que la mère de naissance a bien consenti à l’adoption, mais, ce faisant, elle aurait, selon eux, renoncé à assumer sa maternité dans sa dimension « subjective ou psychique », ce qui compte tenu du fait que  « rien ne peut altérer la maternité biologique », prive ledit consentement de tout effet. Pour les juges, le critère de la maternité est donc bien biologique, de surcroît inaltérable.

Fort heureusement la Cour de Cassation est revenue sur cette décision en faisant remarquer que la gestation pour autrui n’est pas le seul cas dans lequel la mère de naissance renonce à sa maternité, (on pense bien entendu à l’adoption), ce qui avait été totalement omis par les juges précédents. Ce type de raisonnement donnant la primauté aux origines est prépondérant dans les milieux de l’adoption. Ainsi de nombreux travailleurs sociaux se retrouvent souvent en conflit avec la supposée vraie filiation de l’enfant et tardent à prendre les mesures de protection nécessaires à son intérêt.

En dépit d’un arsenal juridique existant, un nombre important d’enfants placés, le plus souvent suite à un délaissement parental, ne bénéficiera pas du statut de pupille de l’État qui leur permettrait pourtant d’être adoptés, alors même qu’ils ne retourneront jamais dans leur famille d’origine. Quant à ceux qui deviendront pupilles, moins de la moitié d’entre eux seulement bénéficieront d’une mesure d’adoption et souvent à un âge avancé après avoir passé des années en institution ou en famille d’accueil (7 ans en moyenne). Cette préoccupation naturaliste est également omniprésente lors des procédures d’agrément en vue d’adoption.

Par exemple, la question du « deuil de l’enfant biologique » érigée en norme psychologique et sociale est telle, que la plupart des candidats à l’adoption sont obligés de cacher aux personnels sociaux l’existence d’une procédure d’AMP parallèle, par peur de se voir refuser l’agrément. Et en effet, dans 20 % des cas, l’agrément est refusé car « le deuil du désir d’enfant biologique n’est pas fait ».

Dans la même ligne naturaliste, les travailleurs sociaux et psychiatres exigent également « des candidats à l’adoption, qu’ils mettent en scène la différenciation des rôles paternels et maternels. Non seulement les candidats devaient réaffirmer leur attachement au couple et à la différence des sexes, mais ils devaient aussi apporter la preuve que leur environnement lui-même garantissait la bonne incarnation des rôles paternels et maternels ». Dans de nombreux cas, le refus d’agrément est fondé sur l’absence de « référents » de l’autre sexe.

C’est aussi le cas du CCNE dans ses propositions sur la GPA. Le CCNE préconise en effet, dans les cas de suspicion sur « la réalité de la filiation biologique » d’un enfant né par GPA à l’étranger, que puisse être réalisée une « vérification de la filiation génétique par un test ADN (…) pour s’assurer qu’il existe un lien biologique avec au moins l’un des parents d’intention ». Si tel n’est pas le cas, le CCNE en déduit que l’on se trouve dans un cas de soupçon de trafic d’enfant et recommande que l’état civil des enfants garde la trace et le nom de tous les intervenants à la convention de gestation (…) aux fins de pouvoir « construire leur identité ».

Au-delà, la levée de l’anonymat et l’accès à ses origines soulève des questions d’ordre juridiques et éthiques. Il est probablement plus facile de vivre en connaissant ses origines, il est même fréquent que cette méconnaissance occasionne de la souffrance, mais ce n’est pas une règle ; un nombre important de personnes ne demande jamais à avoir accès à ces informations, et ce y compris dans les situations où elles seraient en mesure de le faire. Dans les pays où l’anonymat a été levé (comme par exemple Suède, Suisse, Autriche, Angleterre), la demande de rencontrer effectivement le donneur n’a concerné qu’un nombre de cas qui va de 2% (Suède) à 35% (États-Unis).

Lors des débats sur les lois bioéthiques ce sont les arguments de la nature et de la biologie qui sont invariablement mis en avant pour justifier les propos les plus réactionnaires et haineux.

De surcroît, alors que rien ne prouve que les personnes qui auraient accès à leur « lignée » biologique seraient réellement plus heureuses, inversement, la création d’un droit systématique à connaître ses origines contribuerait à créer une norme et à instaurer une contrainte sociale et psychologique. Alors que ce droit bénéficierait en pratique à un nombre très restreint d’individus, il accréditerait surtout l’idée que les autres ne seraient « rien » ou « personne » et contribuerait dans les faits à les stigmatiser.

Comme on a pu le constater à l’occasion des débats sur les lois bioéthiques, ou sur le mariage des personnes de même sexe, ce sont les arguments de la nature et de la biologie qui sont invariablement mis en avant pour justifier les propos les plus réactionnaires et haineux. L’anonymat va au contraire de pair avec la logique du don, par définition désintéressé, or lever l’anonymat remet en question cette logique. Il est tout d’abord manifeste qu’il y aura moins de donneurs, car de nombreux donneurs ne souhaitent pas sortir de l’anonymat. Sortir de la logique du don implique également de réfléchir à une éventuelle rémunération, ce qui suppose des questions de coûts, de prise en charge et éventuellement d’égalité entre ceux qui pourront ou non payer ce qui s’apparentera alors à un service.

Dans ce cas qu’est-ce qui empêchera les parties de vouloir contrôler les critères de sélection. Est-ce que les donneurs en viendront à choisir les receveurs et inversement ? Le fait que le donneur ne soit pas connu des « bénéficiaires » et que réciproquement ces derniers ne connaissent pas le donneur suppose qu’il n’y a ni dette, ni obligation, ni responsabilité de part et d‘autre et qu’aucun lien ne soit créé. Dans le cas de l’anonymat, le donneur ne pourra jamais rien demander ni aux parents ni à l’enfant conçu. Aucune demande ne pourra être formulée, tant affective et psychologique que matérielle ou juridique. Dans le cas contraire, cette possibilité de lien ouvre la porte à de multiples revendications, qui vont bien au delà du fait d’obtenir de simples informations.

Dans l’affaire Odièvre, une jeune femme née d’un accouchement sous X, avait saisi la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) pour contester la possibilité d’accoucher sous X en France, et l’anonymat des informations en découlant. Or l’argumentation de cette jeune femme était de dire : « en France, on peut faire comme si la mère n’avait pas existé, alors que dans la plupart des pays du monde, la naissance constitue automatiquement un lien de filiation entre une mère et l’enfant qu’elle met au monde », faisant bien un lien automatique, naturel, entre levée de l’anonymat et filiation.

Ce qui est intéressant est que compte tenu de cette absence de lien, la jeune femme se disait victime de restrictions à sa capacité à hériter de sa mère naturelle, et ce, quelle que soit la compensation pouvant résulter du fait de son adoption. On voit comment dans ce cas précis la levée de l’anonymat débouche directement sur une demande matérielle, à savoir la possibilité d’hériter de la mère de naissance qui avait accouché sous X. En dehors de la filiation, d’autres fondements juridiques pourraient être invoqués pour ouvrir des droits à l’un ou l’autre des protagonistes.

Imaginons un donneur en grande détresse financière ; qu’est-ce qui l’empêchera de s’adresser aux parents qu’il aurait « aidés », ou à l’enfant/adulte qui lui doit la vie, pour obtenir une contrepartie financière ? Sur le plan de l’équité, est-il juste qu’une personne qui a contribué à la vie d’une autre personne ne puisse avoir droit à une contrepartie en cas de détresse ? La réciproque sera aussi vraie.

Une créance alimentaire est une somme d’argent qu’une personne a le droit d’obtenir d’un proche parent en vue de satisfaire ses besoins vitaux. Quel serait alors le statut du donneur ? Des questions de responsabilité vont également se poser.  Quelle serait la solution dans le cas où le géniteur aurait des problèmes de santé ignorés ou non décelés, ou un comportement à risque qui mettrait en danger la santé de l’enfant ou de sa descendance. Si dans un premier temps la pression serait uniquement morale, il y a fort à parier qu’à terme le droit cèderait.

On perçoit ainsi combien les questions qui traversent la question de la levée de l’anonymat et la quête des origines, loin d’être évidentes, engagent non seulement une réflexion sur la filiation et la parentalité, mais plus encore nous obligent à une réflexion profonde sur nos choix de société et sur ce qui motivent nos choix.


[1] Voir les statistique de l’adoption internationale sur le site EFA : en 2017 : 685 adoptions internationales ; en 2010 : 3504 et les statistiques adoptions nationales (pupilles de l’état) sur le site de l’ONED en 2017 : 793 adoptions.

Mots-clés

Féminisme

Notes

[1] Voir les statistique de l’adoption internationale sur le site EFA : en 2017 : 685 adoptions internationales ; en 2010 : 3504 et les statistiques adoptions nationales (pupilles de l’état) sur le site de l’ONED en 2017 : 793 adoptions.