Justice

Réforme de la justice : où étaient les députés ?

Juriste

La récente adoption d’une loi de réforme de la justice offre l’occasion spectaculaire de s’interroger sur le mode de fabrication du droit. Pourquoi les députés, au lieu de voter contre le texte, préfèrent-ils saisir le Conseil Constitutionnel pour tenter d’en obtenir la censure ?

Depuis les débuts de la République, la question de la loi, magnifiée par les révolutionnaires comme expression de la volonté générale, n’a cessé de tourmenter les commentateurs de la vie politique et institutionnelle française. Le peuple est-il vraiment représenté par ses députés lorsqu’ils fabriquent le droit ? Du parlement volatil de la IVe aux actuelles contestations sur fond de demande de démocratie référendaire, la chose n’a jamais cessé d’être mise en doute. Plus encore depuis que, sans que chaque citoyen en ait nécessairement conscience, s’affirme de façon apparemment irréversible deux phénomènes : la construction européenne, qui impose une partie de l’agenda législatif, et la montée en puissance des juges, qui rabotent toute loi qui contreviendrait à telle ou telle règle supérieure.

Et les occasions ne manquent pas : la Convention européenne des droits de l’homme comme la Constitution, pour en citer deux, constituent des réservoirs inépuisables pour ces juges de plus en plus fréquemment saisis, dont l’imagination interprétative paraît aujourd’hui, à certains, par trop débridée. La critique ne porte pas que sur le fond – on retrouve là la déploration, devenue classique, de ce que les droits de l’homme soient devenus une politique – mais également sur la forme : que deviennent le peuple et ses représentants supposés lorsqu’il s’agit de fabriquer la loi si, finalement, toute loi risque l’invalidation lors du passage devant une poignée de personnes – neuf au Conseil constitutionnel, quarante-sept à la Cour européenne – nommées et non élues, et totalement inconnues du grand public ?

La question se pose à l’examen de la façon dont une réforme d’ampleur a été récemment votée au parlement : celle de « la justice », une énième, mais avec cette fois des ambitions hors-norme clairement affichées, et des conséquences qui ne manqueront pas de paraître contradictoires avec la sollicitude, depuis peu affichée, pour les doléances de plus en plus insistantes de citoyens se


Cyrille Duvert

Juriste, Maître de conférences à l’Université Sorbonne-Paris-Cité (Paris 13)