Société

Vincent Lambert : Une tragédie médicale contemporaine

Médecin

Les multiples rebondissements juridiques dans l’arrêt des traitements de Vincent Lambert en ont fait un symbole du débat sur la fin de vie. C’est une erreur. Au-delà des protagonistes de cette affaire, les argumentaires se déploient dans le débat public en fonction des valeurs, des convictions et des croyances de chacun. Il faut donc éclairer les logiques et les contraintes qui président habituellement à de telles décisions, même si la situation exceptionnelle de Vincent Lambert apparaît avant tout sous la forme d’une terrible tragédie contemporaine.

« Savoir jusqu’où aller trop loin »
Jean Cocteau. Le coq et l’arlequin

 

Qui se souvient de Karen Quinlan, cette jeune femme hospitalisée en réanimation aux Etats-Unis dans les années 70 et qui était restée de longs mois dans le coma sous respirateur artificiel ? Jusqu’à ce que ses parents, catholiques pratiquants, demandent, contre l’avis des médecins, à ce que les traitements soient arrêtés. Devant le refus de l’hôpital, la famille avait porté plainte jusqu’à la cour fédérale de l’Etat du New Jersey qui lui avait donné raison et affirmé que si la mort survenait après le débranchement de l’appareil, elle serait due à une cause naturelle. Cette affaire, avec ses débats autour du « faire vivre » et du « laisser mourir », avait été le point de départ du mouvement bioéthique américain.

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Si « l’affaire Vincent Lambert » semble jouer à front renversé une histoire proche, elle est aussi le signe des changements survenus dans la médecine française après plus de trente ans de débats sur la fin de vie et sur « l’acharnement thérapeutique ». Aujourd’hui, celui-ci est proscrit par la loi. Il est possible et même demandé aux médecins d’arrêter des traitements jugés « inutiles et disproportionnés » n’ayant pour objet que le « maintien artificiel de la vie ». Ceci en suivant un processus précis (décision prise à l’issue d’une procédure collégiale avec l’avis d’un second médecin).

Un dispositif d’arrêt des traitements inspiré par la réanimation et les soins palliatifs

Le dispositif légal actuel, qui a cours dans la situation de Vincent Lambert, est inspiré à la fois des pratiques de réanimation et de l’approche des soins palliatifs, ce qui peut sembler paradoxal. Néanmoins tant la spécialité de réanimation que celle des soins palliatifs sont familières de situations limites de fin de vie à forte teneur éthique.

Lors d’une hospitalisation en réanimation, les pratiques sont habituellement très interventionnistes pour pouvoir maintenir en vie le patient, tout en faisant un


Jean-Christophe Mino

Médecin, Spécialiste de santé publique, chercheur en sociologie et en éthique, enseigne au département d'éthique de la faculté de médecine de Sorbonne Université

Mots-clés

Euthanasie