Racisme d’en haut en bas de page
Pour ne pas désespérer du genre humain, il semble assez conseillé d’éviter de lire certains commentaires d’internautes des articles parus en ligne dans la presse. Ce « a fortiori » si vous êtes l’auteur d’un de ces derniers. Il est même quasi vital de respecter cette abstention de lecture des commentaires en ligne si vous avez le malheur d’accoler à votre nom le titre de sociologue qui est le vôtre.
Que vous soyez chercheur CNRS ou même simple universitaire, on ne vous rate pas : vous êtes illico l’objet de la part des internautes, le doigt sur le clic, de commentaires furieux et souvent délirants, qui n’ont presque jamais aucun rapport avec ce que vous avez essayé de dire, même avec prudence et maintes circonlocutions.
Il se trouve que parfois vous tombez sur des commentaires intéressants, soit par leur capacité d’analyse et de développement de l’article en question, soit parce qu’ils font symptôme, avec un effet de révélateur qui incite à penser. Dans cette deuxième catégorie, on voudrait prendre ici l’exemple d’un commentaire de deux lignes paru très peu de temps après la parution – le 29 août 2019, sur le site du Monde – d’un article intitulé sobrement « Mondiaux de judo : à Tokyo, l’équipe de France brille grâce à ses judokates », signé Anthony Hernandez (un des journalistes chargé de la rubrique sport dans ce quotidien).
Lors de ce Mondial de Tokyo fin août 2019 , le bilan des judokates françaises est impressionnant.
Pour comprendre le sens de ce commentaire, commençons par résumer assez longuement cet article qui mettait l’accent sur la réussite exceptionnelle de l’équipe de France de judo au Mondial de Tokyo fin août 2019 : la plus belle « moisson de médailles d’or » depuis 2014. La forte particularité de ce succès tient à ce que ce sont trois femmes qui ont fait retentir La Marseillaise : Clarisse Agbegnenou (catégorie des moins de 63 kg), Marie-Eve Gahié (– 70 kg), Madeleine Malonga (– 78 kg). Pour comprendre ce succès indubitable de l’équipe de France féminine, hommage est d’abord rendu à son responsable depuis 2016, Larbi Benboudaoud (45 ans), médaille d’argent aux JO de 2000, présenté, sans doute à raison, comme l’un des grands artisans du succès des judokates françaises. Il est particulièrement réputé pour son exigence et sa soif de victoires (« On les prépare pour qu’elles aillent chercher des médailles, pas seulement pour participer… »).
Lors de ce Mondial, le bilan des judokates françaises est impressionnant. Dans les sept catégories féminines, toutes , sauf une (Anne-Fatoumata M’Bairo), sont parvenues au stade des quarts de finale. Outre les quatre médaillées (ajoutons Margot Pinot, médaille de bronze), deux ont échoué au pied du podium : Sarah-Léonie Cysique (21 ans) et Amandine Buchard (24 ans). L’article met en relief la performance de Clarisse Agbegnenou qui, à 26 ans, est le véritable leader ce cette équipe féminine. À Tokyo, elle est sacrée championne du monde pour la quatrième fois.
Les spécialistes ont été unanimes pour juger magnifique son combat en finale contre la Japonaise Miku Tashiro : une victoire à l’arraché lors du golden score (les prolongations) après onze minutes de combat acharné. Le journaliste du Monde reprend les propos tenus sans fausse modestie de la championne peu après son exploit : « J’ai marqué les esprits de beaucoup de judokas. Beaucoup m’ont dit que la finale était magnifique et que c’était beau à voir. J’ai montré que mentalement je ne lâcherai rien. C’est bien d’avoir conservé mon statut de numéro un. »
Par ailleurs l’article insiste, par contraste, sur le maigre butin de l’équipe française masculine : une seule médaille de bronze (Alexis Cleret), Teddy Riner étant « en congé ». Est toutefois évoqué un motif d’espoir avec l’arrivée de jeunes prometteurs comme Alpha Djalo (22 ans). En conclusion, la parole est donnée à Jean-Luc Rougé, président de la Fédération française de judo : « Battre les Japonais au Japon, c’est exceptionnel. On les voyait énorme pour les JO, on en avait tous peur, nos judokates ont fait voir aux autres pays que c’était possible. En quelques jours, on a ouvert une porte… » Le journaliste du Monde écrit, en guise de chute de son article : « Les maîtres japonais du judo sont prévenus. Les Français n’ont pas peur du sacrilège ».
Pour être tout à fait complet, notons que l’article est joliment illustré de trois photos des judokas – deux femmes, un homme – en action sur le tatami. Elles font apparaître avec évidence le fait que ces derniers sont noirs de peau, comme peuvent d’ailleurs le suggérer leurs patronymes : Agbegnenou, Malonga, Djalo. Sous la première photo plein cadre de l’une d’entre elles, on lit: « Les Françaises, à l’image de Clarisse Agbegnenou, ont brillé lors des Mondiaux de Tokyo. Sous la deuxième « Madeleine Malonga est championne du monde des -78 kg » et, sous la troisième, « Alpha Djalo est l’un des espoirs du judo masculin français ».
Tout au long de son texte comme pour la légende des photos, le journaliste du Monde a pris bien soin de ne pas mentionner la couleur de peau des trois championnes du monde françaises. Par ailleurs il n’a pas non plus souhaité indiquer que toutes trois sont d’origine africaine, plus précisément du Togo (Agbegnenou), Congo (Malonga), Côte d’Ivoire (Gahié). Il a préféré les présenter – et ainsi les définir – comme des « combattantes françaises ».
Or 45 minutes après la parution en ligne de cet article sur le site du lemonde.fr, à 16h01, un lecteur dissimulé derrière un pseudo assez sophistiqué (Albireo [1]) et premier internaute à le commenter, écrit ceci : « Pauvres japonais qui refusent le métissage, adieu les breloques sportives… Bon, par contre ils continuent de gagner les prix Nobel de physique et Tokyo est classée ville la plus sûre du Monde… »
Tentons de nous mettre à la place de ce lecteur assidu du Monde, sans doute fort lettré, pour ne pas dire « cultivé ». Pour réagir ou, plus exactement, pour dégainer aussi vite, il doit être constamment à l’affût d’articles publiés sur le site du Monde, sans doute pour y traquer les articles qui lui paraissent exprimer toute forme de « politiquement correct ». Nous allons essayer d’entreprendre une sorte de « démontage » sociologique de l’inconscient social qui suinte dans ce petit texte réactif [2].
Si ce commentaire m’a interloqué ou, plus exactement, profondément choqué, c’est aussi parce que je m’intéresse au sport comme sociologue et, depuis une dizaines d’années, travaille (un peu) sur le football (cf. le livre Traîtres à la nation, La Découverte, 2011) sans compter que, depuis 2016, je tiens une chronique mensuelle, intitulée « Sport et culture » dans le journal Sud-Ouest.
Ce qui m’astreint à une lecture régulière de L’Équipe qui contribue à me donner progressivement une assez bonne culture générale dans le domaine du sport, avec un tropisme prononcé pour l’étude du profil sociologique des sportifs de haut niveau (football, rugby, handball, basket-ball, athlétisme, cyclisme, judo, natation, etc). Il m’arrive fréquemment de faire des fiches et encore plus souvent d’archiver des portraits détaillés de ces « champions ». De ce fait, ce commentaire au venin (de racisme soft..) savamment distillé m’a donné tout de suite envie de réagir (un commentaire sur le site du Monde de la réaction d’Albireo e a été tenté puis abandonné…). Au fond, que nous révèle ce commentaire ?
Primo, le commentateur connaît sans doute très bien la forte spécificité de la démographie du Japon : un pays en crise démographique avec, depuis 25 ans, un nombre de décès supérieur à celui des naissances (l’indice conjoncturel de fécondité est stable à 1,4 enfant par femme, loin du chiffre de 2, 1 qui assure la reproduction de la population d’un pays). Il connaît tout aussi bien la non moins grande spécificité de la politique d’immigration du Japon, à savoir une fermeture quasi-totale aux immigrés. Comme le dit Gilles Pison, démographe à l’INED : « À court terme, c’est-à-dire les prochaines décennies en langage de démographe, le Japon va se retrouver face à une diminution des effectifs d’âge actif et des problèmes de recrutement.
Les pays développés ont traditionnellement recours à la main d’œuvre immigrée en cas de besoin. Mais le Japon est jusqu’ici resté un des pays les plus fermés à l’immigration. S’ouvrir à celle-ci et accepter un métissage de sa population est pour lui l’un des grands défis de demain ». Bref, le Japon est ici présenté en creux comme une sorte de modèle de politique d’« immigration zéro » , à l’inverse de la France, pays passoire qui serait entièrement ouvert à tous les courants migratoires venus d’Afrique.
Secundo, par l’emploi du terme de « métissage » dès la première phrase, l’auteur masqué du commentaire entend, dans une logique de dévoilement, lever un lièvre en portant au jour ce fait qui aurait été soigneusement « caché » dans l’article du Monde : à savoir que les judokates françaises médailles d’or du Mondial 2019 sont des « Noires ». Ce sport individuel, où la France occupe la deuxième place au monde derrière le Japon depuis trente ans, serait en train de devenir – comme c’est déjà le cas du football, basket-ball, handball, et même dorénavant du rugby – un lieu de « métissage ». On peut penser que ce dernier mot sert en fait, pour notre internaute masqué, à dire de manière euphémisée la forte présence de Noirs (l’envahissement ?…) dans ce sport de « Blancs » dans l’Europe d’après 1945, même si son berceau historique se situe en Extrême Orient.
Tertio, la comparaison qui est dessinée en creux entre la France et le Japon se donne à voir aussi sous la forme d’une opposition terme à terme qui est lourde de sous-entendus culturalistes et politiques. À la différence de la France qui se prévaudrait et se gargariserait de vaines médailles (« breloques » pour le dire de manière péjorative comme notre Albireo, fort irrité) conquises dans le sport (panem et circenses), qui plus est, par la seule grâce de jeunes ressortissants issus de pays de l’ex-Afrique coloniale, le Japon s’attelle, quant à lui, à des tâches plus sérieuses, notamment faire fructifier le capital scientifique de son pays, par l’intermédiaire de la fabrication de prix Nobel de physique made in Japan. Sans compter, cerise sur le gâteau, que dans le système d’oppositions hâtivement bâti par l’auteur, définir Tokyo comme « la ville la plus sûre du monde », lui permet de faire un clin d’œil poussé au lecteur du type : « Suivez mon regard », c’est-à-dire allez voir du côté de la capitale française, Paris (y compris sa banlieue), pour y observer l’une des villes les moins sûres des pays développés.
Ce commentaire « moisi », dont on peut malheureusement retrouver aujourd’hui pléthore d’équivalents sur la toile, est un révélateur de l’air du temps.
Dans ce commentaire, rien n’est explicitement dit, tout est suggéré, c’est au lecteur de reconnaître la petite musique de la France envahie et/ou en perdition (celle du « suicide français » de Zemmour pour le dire vite). Il s’agit de glisser dans l’oreille du lecteur du Monde que tout ce qui a été écrit dans cet article n’est qu’un écran de fumée ou un tissu de balivernes.
Il faut, aux yeux de notre internaute héros d’un jour, tout faire pour saper, en quelques mots, l’idée centrale qui transparaît à l’évidence dans cet article : aujourd’hui la France gagne des médailles d’or du fait de l’arrivée à maturité d’une génération brillante de judokates d’origine africaine, sous la houlette d’un ancien grand champion de judo d’Aubervilliers – Larbi Benboudaoud – dont on peut supposer assez facilement qu’il aurait comme seul défaut, pour notre internaute, de porter un prénom et un nom bien peu gaulois.
Au fond, ce commentaire « moisi », dont on peut malheureusement retrouver aujourd’hui pléthore d’équivalents sur la toile, est un révélateur de l’air du temps. Il nous a aussi fait immédiatement penser à un livre d’entretiens de Gérard Noiriel, paru en 2007 chez Textuel et intitulé Racisme : la responsabilité des élites, qui n’a sans doute pas rencontré l’écho qu’il aurait mérité. On sait bien que, dans la société française des vingt dernières années, la question du racisme et des « relations inter-raciales » (race relations) est devenue omniprésente et même obsédante.
On sait aussi que les principaux « accusés » dans des affaires de racisme appartiennent aux classes populaires, comme si le racisme était leur seul apanage. Les sociologues d’enquête (notamment ethnographique) s’efforcent, sur cette question, de mettre en relation étroitement, d’une part, l’expression de propos et d’actes racistes et, d’autre part, les situations de concurrence exacerbée que les membres des classes populaires affrontent au travail, dans la sphère du logement et, par l’intermédiaire de leurs enfants, dans celle de l’École. C’est ce que nous avions développé avec Michel Pialoux dans le chapitre 9 du livre Retour sur la condition ouvrière (La Découverte-Poche, 2011) sur le terrain des ouvriers Peugeot de Sochaux-Montbéliard, une analyse qui, à nos yeux, reste d’actualité et conserve une certaine pertinence.
On doit mettre l’accent sur ce qui nous paraît être une erreur de perspective sur ce sujet assez crucial du racisme. Pour des questions d’accès au terrain et de fortes inégalités sociales dans la protection de l’entre-soi et la maitrise des registres de langage, le racisme en milieu populaire est sur-médiatisé et sur-étudié alors que les diverses formes de racisme en vigueur dans le milieu des élites et des classes supérieures sont largement invisibles (ou invisibilisées). Ce sinistre commentaire anonyme a pour avantage, si l’on peut dire, de faire apparaître en pleine lumière ce qu’il peut y avoir aujourd’hui dans la tête de certains lecteurs du Monde appartenant aux catégories sociales favorisées, baignant dans la culture des « nouveaux réactionnaires ». Une certaine prudence leur fera certes éviter de se référer explicitement à la théorie du « grand remplacement » mais elle ne les empêchera pas, comme cet Albireo, d’étaler, sous une forme polie et euphémisée, une vision du monde qui semble profondément élitiste et raciste.
Car ce qui est le plus frappant dans ce commentaire est l’impossibilité chez son auteur de de concevoir et de penser le « ET ». Comme si (ici) les sportives de haut niveau ne pouvaient pas être en même temps de « bonnes » élèves. Comme si les jeunes d’origine africaine ayant grandi en France ne pouvaient pas être en même temps de bons citoyens, et comme s’ils étaient tous voués à emprunter la seule voie de la délinquance et à rendre dangereuses les rues de nos grandes villes.
Or, maintes enquêtes l’attestent, on peut, en étant d’origine africaine en France, exceller en sport ET réussir des études supérieures. On peut aussi, en étant toujours d’origine africaine, trouver sa place en France et ne pas passer par la case du commissariat de police et de la prison. Le prisme racial, voire l’obsession raciale, du commentaire en question ne permet pas à son auteur de voir que, au-delà de cette seule variable dite de la race, opèrent d’autres variables lourdes comme la PCS (Profession et Catégorie Socioprofessionnelle) et le niveau de diplôme des parents, le lieu de résidence, etc., qui permettent d’expliquer conjointement la diversité des trajectoires sociales des membres de ce groupe, malgré tout hétérogène, de cette seconde génération issue de l’immigration africaine en France.
La seule lecture régulière de la presse (sportive ou locale) nous apprend ainsi que ces judokates françaises d’origine africaine ont presque toutes grandi en province (Chambly, Amiens) ou en banlieue parisienne (Asnières) et rarement dans des « cités ». Surtout elles ont été élevées dans des familles immigrées africaines appartenant souvent aux classes moyennes (et celles-ci existent !..) . Clarisse Agbegenou est née à Rennes d’une mère comptable et d’un père vétérinaire au Togo devenu un « grand scientifique » en France.
Madeleine Malonga a deux parents qui sont infirmiers en psychiatrie. Les parents ne choisissent pas au hasard tel ou tel sport pour leurs enfants. Le judo est réputé pour son exigence et, en France, pour la très grande qualité des encadrants, tous d’anciens très bons judokas. Ce sport est aussi connu pour avoir de grandes vertus éducatives : il apprend l’humilité, le sens de l’effort et sert à « cadrer » des jeunes débordants d’énergie physique. Par exemple, Clarisse Agbegnenou est venue au judo grâce à sa directrice d’école, qui conseilla à sa mère de faire en sorte que sa « costaude » canalise son énergie.
La pédagogie anti-raciste ne doit pas viser seulement les publics dits populaires ; elle gagnerait aussi à être dirigée vers une partie de nos élites.
Il se trouve aussi que la plupart d’entre elles ont dû quitter leur famille à 13/14 ans pour suivre une section sports-études (à Orléans pour Clarisse Agbegenou) puis entrer à 15/16 ans dans ce temple de la formation des sportifs de haut niveau qu’est l’INSEP à Vincennes. En même temps que la pratique intensive de leur sport, elles ont poursuivi des études secondaires ou supérieures : Clarisse Agbegenou est titulaire d’un bac en sciences et technologies, Marie-Eve Gahié d’un BTS.
En outre, notre internaute masqué doit certainement ignorer que le judo est un sport terriblement exigeant et ingrat. Accéder au haut niveau nécessite des milliers d’heures d’entrainement et de combat, accompagnées d’innombrables moments de doute et de petites crises de croyance dans tous ses sacrifices faits au quotidien. La moindre erreur ou distraction ne pardonne pas sur le tatami et se paye cash. La question du poids est aussi cruciale, il faut surveiller de très près son alimentation. Un jour, Clarisse Agbegenou est arrivée à la pesée en 2012 aux Masters au Kazakhstan avec un excédent de poids de 200g : elle n’a pas pu participer à la compétition et a été durement sanctionnée par la Fédération française de judo qui lui a interdit de participer au tournoi de Paris. On pourrait sur ce sujet développer longuement.
Ces exemples suffisent à montrer ce que notre commentateur zélé ignore à l’évidence : la personnalité comme le « mental » de ces sportives de haut niveau et des chercheurs en physique (ou des autres sciences) ne sont pas si différents. Ce qui les a menés « tout en haut », c’est une somme difficilement imaginable d’efforts, d’ascèses et d’investissements hors du commun.
Peu importe la couleur de peau. En judo, comme dans beaucoup d’autres sports, ce qui va in fine départager des compétiteurs de qualité égale, c’est l’« état d’esprit », ce qui est désigné comme le « mental » et ce que les coaches aiment appeler la « niaque ». S’il existe aujourd’hui une forte surreprésentation de judokates d’origine africaine dans l’équipe de France, c’est sans doute parce que, pour surmonter les multiples préjugés qui sont encore aujourd’hui liés à leur couleur de peau, elles ont dû déployer une énergie peu commune pour reculer le plus loin la douleur et ainsi refuser la défaite.
On aura voulu ici introduire davantage d’éléments de contexte pour éclairer la lanterne de ces lecteurs « d’en haut », comme cet Albireo, prisonnier de leurs préjugés socio-raciaux. La pédagogie anti-raciste que peuvent offrir en acte les travaux en sciences sociales ne doit pas viser seulement les publics dits populaires ; elle gagnerait aussi à être dirigée vers une partie de nos élites qui se caractérise par son étroitesse d’esprit. Ce commentaire à la fois furibard et policé d’Albireo est une petite – mais très « belle » – source en ce qu’elle dévoile bien, à sa manière, ce qui peut se trouver tapi au fond de l’inconscient social : une forme de racisme distingué et, pour cela, d’autant plus dangereux.
La mise en avant dans les médias de la réussite sportive de nos « championnes françaises » (comme l’écrivait à juste titre le journaliste du Monde) permet de faire un peu mieux comprendre à l’opinion publique la manière dont ces jeunes français à trait d’union – franco-togolais, franco-congolais, franco-ivoiriens – font partie de notre pays et sont en train d’y prendre toute leur place. Certes peu d’entre eux deviendront prix Nobel de Physique (mais qui sait ?…). En attendant, comme il est désormais permis aux lecteurs du site Internet du Monde de signaler des « abus » lorsque certains commentaires dépassent les bornes, nous l’avons fait et le commentaire rance d’Albireo a été supprimé du site lemonde.fr.