Le retour du refoulé magique ou la double revanche de Castoriadis
Un an après le soulèvement historique des Gilets jaunes, il n’est pas tout à fait l’heure des bilans qui transforment l’Histoire en passé, mais il est au moins temps de jouer avec quelques conclusions non définitives. Beaucoup s’est écrit durant cette année, tandis que se racontait au jour le jour, sur les ronds-points devenus de nouvelles agoras, une aventure à mi-chemin de l’épopée burlesque et de l’authentique révolution. Ce fut au demeurant sa force que de résister éperdument à tout enfermement théorique dans les cases stérilisantes de la sociologie politique de comptoir.

Récusant toutes les identifications binaires, au fond totalement « irrécupérables », que ce soit par la gauche radicale ou par la droite nationaliste et autoritaire, les Gilets jaunes inventent une nouvelle façon de faire peuple, d’affirmer que la politique n’est pas confiscable au profit de quelques-uns, que la représentation de tous par un seul est intenable sur le long terme, et que la voix de chacun compte tout autant que celle des « gens de la télé » ou de l’Assemblée. De cela, on peut se réjouir : ce retour du refoulé magique est gros de potentialités, les unes effrayantes, ne nous leurrons pas – les autres enthousiasmantes, ne l’ignorons pas.
Trop longtemps, nous avons refusé de nous souvenir de notre enfance. Lorsque nous lisions encore des contes, il nous semblait naturel d’associer les princes aux enchanteurs et de croire que la beauté d’un royaume était la plus sûre preuve de sa bonne administration. Nous aimions le panache et le sacrifice, apprenions qu’on ne méprise pas le peuple sans en payer un jour le prix, et devinions confusément qu’il fallait grandir pour changer la vie et transformer le monde, que l’un n’allait pas sans l’autre, et que l’oublier serait un jour la preuve que nous avions tout raté.
Il y a, dans cette explosion de vitalité couleur de soleil, quelque chose d’exceptionnel qui nous évoque la puissance des étincelles.
« Rester fidèle à l’enfant que je fus », cette