La réforme des retraites ou l’art de se dissimuler
Un pouvoir est affaibli quand il est forcé de s’installer sur le terrain de ses adversaires. Ce terrain a été préparé par la sédition des Gilets jaunes : c’est celui de la justice sociale. Ne comprenant qu’à moitié la situation, le pouvoir actuel en France – président, ministres, parlementaires de la majorité et de leurs alliés – joue une partie mal engagée. Tous autant qu’ils sont multiplient les erreurs.
L’une d’elle est tactique. Jouant les Cardinal de Retz aux petits pieds – « on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens » – les gouvernants du jour ont cru habile de ne pas dévoiler tout leur jeu. Mais ce faisant, le « flou » n’a fait qu’engendrer la méfiance. L’autre grande erreur est rhétorique. Faisant mine de se croire encore en 2017, et se trompant délibérément sur la signification de l’élection de Macron (le rejet de Le Pen, non le « projet présidentiel »), ils voudraient se réclamer encore du droit absolu qu’aurait conféré au président élu le suffrage universel de s’en prendre aux régimes de retraite. En quoi ils ne font pas que vouloir tromper l’opinion, ils finissent par se leurrer eux-mêmes à force de rouerie.
Car en politique les institutions ne se soutiennent pas seulement de leurs formes légales mais de leur légitimité. Or c’est bien cette croyance qui défaille aujourd’hui. Pourtant le pouvoir n’a pas pu ne pas entendre au moins l’écho de la révolte qui couve depuis un an. Il croit de la plus haute subtilité de reprendre à son compte le thème de la justice sociale. La communication présidentielle et gouvernementale obéit à cet « élément de langage », espérant que cela provoquera l’endormissement attendu de l’opinion générale. On sent bien que l’argumentation en faveur de cette réforme est double.
D’un côté, il s’agit de combler ceux qui, à droite, aiment les coups de force de l’autorité (« la réforme coûte que coûte »), de l’autre, d’anesthésier ceux qui à gauche aiment les progrès de l’égalité (« le régime universel qui fera de chacun l’égal